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Pédagogie sociologique, titre dont la signification précise serait peut-être malaisée à déterminer.

En réalité l’ouvrage est une compilation : il est constitué par l’analyse rapide ou la présentation des résultats d’une foule de travaux contemporains d’observation ou d’expérimentation psychologique, ayant en commun ce double caractère de porter sur des écoliers et de tendre à mettre en évidence des modalités psychiques liées à des conditions de vie sociale.

Ces comptes rendus d’études sont groupés sous les titres suivants : influences du milieu physique, affinité sociale, affinité au groupement, affinité sympathique, amour de l’approbation, altruisme, acquisitions dues au milieu social, formation d’anormaux et de subnormaux par influences sociales, éléments psychologiques favorisant le développement de l’affinité sociale, éléments psychologiques entravant l’adaptation sociale. — Enfin sous le titre d’applications, l’auteur rapporte quelques expériences de self-government scolaire, de coéducation, et décrit l’École sociale de Dewey.

Les études mentionnées, dont la plupart utilisent la méthode d’enquête, sont des études d’observation analytique, c’est-à-dire qu’elles isolent un phénomène ou un groupe de phénomènes (affinité au groupement, amour de l’approbation, etc…) et cherchent par des moyens appropriés à en acquérir une connaissance expérimentale. C’est là le type le plus commun de la recherche scientifique, et il n’est nullement question de le mettre en suspicion. Mais quand il s’agit d’appliquer ce mode de recherche aux aspects les plus complexes de la vie psychique, et surtout quand il s’agit d’en rapporter les résultats dans la pratique de l’éducation, il convient d’être circonspect et de ne point se laisser duper par des apparences de rigueur scientifique. Il serait bon, quand on parle, sinon de pédagogie sociologique, du moins d’applications d’études psychosociales à l’éducation, de mettre en évidence la valeur première d’une observation synthétique, monographique, qui sans doute ne peut pas revendiquer la précision de l’analyse scientifique, mais qui a le grand avantage de ne pas exposer à l’illusion scientifique et de se tenir tout près de l’expérience essentielle, fournie par la pratique normale de l’éducation. Il appartient à cette observation synthétique de déterminer les points susceptibles d’analyse méthodique et de coordonner les résultats d’analyse. Cette fonction de choix et de coordination n’apparaît guère dans l’ouvrage de M. Rouma.

Nul doute qu’une partie des travaux qu’il rapporte n’aient en eux-mêmes un réel intérêt. Et il est agréable de rencontrer réunies des indications qu’il faudrait chercher à travers une foule de publications dispersées. Mais la compilation dans des cadres arbitraires de résultats d’analyses diverses ne saurait révéler une « pédagogie », ni même offrir dans son ensemble un véritable intérêt pédagogique. Il ne s’en dégage aucun résultat appréciable soit méthodologique, soit théorique, soit pratique. Les conclusions pratiques semées dans l’ouvrage constituent parfois, isolément considérées, des préceptes judicieux, mais au total n’offrent qu’un assez mince intérêt, parce qu’elles ne se tiennent pas entre elles et qu’elles n’ont souvent qu’un lien apparent avec l’appareil scientifique déployé.

L’auteur termine en réclamant l’organisation d’un Institut de Sociologie appliquée à l’éducation de l’enfant. Soit. Mais n’oublions pas que l’essentiel est de faire de bons travaux dans le laboratoire de sociologie scolaire qui dès aujourd’hui nous est ouvert : c’est l’École. J’entends l’école où l’on fait à la fois de vraie éducation et de sérieuses et directes observations en tout respect de l’esprit de la science.

Histoire de l’Instruction et de l’Éducation, par François Guex. Deuxième édition, revue et corrigée, 1 vol. in-8, de 724 p., Lausanne, Payot et Cie, et Paris, Alcan, 1913 — Le succès dont témoigne la réédition de ce livre prouve qu’il répond à un intérêt considérable du moment, à une poussée d’intérêt pédagogique au moins égale à celle qui marqua le début du siècle dernier.

La matière embrassée est immense. Le sujet par sa nature même est singulièrement complexe. Histoire des institutions d’enseignement et d’éducation, des éducateurs, des écrivains ayant spécialement traité de pédagogie, de ceux dont les œuvres philosophiques ou religieuses ont influé fortement sur le mouvement pédagogique : sujet aux frontières indéfiniment extensibles. Et ce sujet est envisagé, en principe au moins, dans toute l’étendue du temps et de l’espace. Ceci demande, il est vrai, une immédiate restriction. Des deux parties de l’ouvrage la première, traitant de la pédagogie avant Jésus-Christ, n’est qu’une manière de court prologue ; la seconde partie est divisée elle-même en deux périodes dont l’une, s’étendant jusqu’à la Réformation, ne comporte qu’une relation de quelques pages, tandis qu’à l’autre, de la Réformation