Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 4, 1914.djvu/9

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jusqu’à nos jours, est consacrée la presque totalité du livre.

L’immensité de l’objet détermine la façon dont il est traité. Nous sommes en face d’un manuel de vulgarisation destiné aux candidats à l’enseignement, contenant des renseignements touffus, mais toujours de caractère encyclopédique et élémentaire. Et il faut être reconnaissant à l’auteur de la masse énorme d’indications rassemblées, qui permettent d’acquérir quelque première information sur n’importe quelle époque de la pédagogie, sur n’importe quel écrivain pédagogue de n’importe quel pays. Cette grande commodité dispose à donner moins d’attention aux défauts très visibles de l’ouvrage. Nous en signalerons quelques-uns seulement, qu’on a le droit de lui reprocher sans cesser de tenir compte de son caractère de manuel scolaire.

Poussé à un certain degré d’abréviation, un exposé historique n’est plus seulement inutile, mais nuisible. C’est le cas pour la synopsie de l’éducation sur la planète des origines au xvie siècle. Il y a là juste de quoi donner aux esprits peu avertis la fâcheuse illusion de ne pas ignorer tout de certaines choses. Dans la période moderne, la seule dont il soit réellement traité, les sujets ne sont pas toujours présentés avec la proportion que réclame leur importance : c’est ainsi que la part faite à Rabelais et à Montaigne parait bien restreinte en face de celle qu’on accorde à Coménius. Notons encore que cette encyclopédie historique ne se borne pas à un exposé objectif de faits et de doctrines, mais en cherche constamment l’utilisation pédagogique actuelle et constamment distribue à leur occasion l’éloge et le blâme. Il s’ensuit que le mode de présentation de la matière historique est relatif aux appréciations et aux conceptions propres de l’auteur. De là le désordre qui règne dans l’exposé de la période qui s’étend de la fin du xviiie siècle jusqu’à nous. L’auteur a tenu à mettre avant tout en lumière une grande lignée de pédagogues, allant de Rousseau à Herbart, dont l’école représente pour lui le sel de la pédagogie à l’heure présente. Puis il faut revenir en arrière pour passer en revue des théologiens, des poètes, Frœbel, la pédagogie des anormaux ; puis encore une fois pour suivre à vol d’oiseau l’histoire de la pédagogie en France, et encore en Angleterre et en Amérique.

Dirons-nous pour justifier ces libertés de méthode, ce mélange d’histoire en abrégé et de doctrine, qu’il s’agit d’un ouvrage de vulgarisation, destiné principalement à fournir à de futurs instituteurs, dont le temps est court, un grand nombre d’informations élémentaires et quelques vues pratiques de pédagogie ? – De tels ouvrages, il faut en convenir, sont demandés, sont trouvés utiles. Mais est-il bon qu’ils le soient ? Ne répondent-ils pas avec trop de complaisance à la préoccupation de renseignements rapides et superficiels, qui est le mal profond de l’enseignement à notre époque, et surtout de cet enseignement primaire, dont le développement ne se sépare pas de celui de la démocratie ? Est-ce l’état des démocraties d’aujourd’hui qui doit régler l’enseignement populaire à sa mesure ? Est-ce un enseignement populaire profondément respectueux des vraies méthodes de l’esprit qui doit préparer la démocratie de demain ?

Théorie des Nombres, par E. Cahen, chargé de cours à la faculté des sciences de Paris. Tome premier. Le premier degré, 1 vol. de xviii-408 p., chez A. Hermann et fils, Paris, 1914, — M. E. Cahen, dont les importants travaux relatifs à l’arithmétique supérieure sont bien connus, est venu combler une lacune qui existait dans la littérature mathématique française. En effet nous ne possédions pas en France de traité moderne exposant d’une manière approfondie la théorie des nombres. Le travail de M. Cahen s’adresse aux mathématiciens ; mais l’auteur n’a pas craint de remonter aux premières notions qui constituent la base de la science : le nombre entier, l’infini. Par là cet ouvrage peut intéresser également les philosophes-mathématiciens. En ce qui concerne le nombre entier l’auteur s’est placé au point de vue ordinal de Helmholtz-Kronecker ; il définit les entiers de la manière suivante : « Considérons la suite des signes (1) :

1, 2, 3, 4, 5.

Le premier s’appelle un, le suivant s’appelle deux, le suivant s’appelle trois, le suivant s’appelle quatre, le suivant s’appelle cinq. Chacun des éléments de cette suite est dit un nombre entier. Un entier est dit plus grand qu’un autre lorsqu’il est après lui dans la suite... » Relativement à l’infini l’auteur a adopté une attitude strictement négative. Étant donnée une suite telle que (1), formée de cinq éléments, on peut en concevoir une formée d’un plus grand nombre d’éléments, de dix, de vingt éléments, ce nombre d’éléments étant toujours fini. « D’une façon générale, dans tout ce qui va suivre, l’objection consistant en ce que la suite des nombres ne va pas assez loin