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Beauvais. 1 vol. in-8o de v-412 p., Paris, Alcan, 1907. — Dans cette étude critique de l’objectivité des sciences physico-chimiques, l’auteur poursuit un double but philosophique. D’abord, et négativement, il se propose de réfuter les théories fidéistes et anti-intellectualistes, qui prétendent réduire la science physique à une technique utilitaire et lui dénier toute valeur de connaissance objective. Ensuite, et positivement, il prétend, justifier une certaine attitude et un certain credo philosophique, la croyance à un fonds sans cesse accru de vérités nécessaires et universelles, extraites de l’expérience, la croyance à une vérité que l’esprit humain enserre progressivement par une série d’approximations successives. L’auteur propose donc, pour son compte, un certain positivisme : la science, selon M. Rey, épuise toute la connaissance humaine et la philosophie se réduit « à une synthèse organisatrice des sciences, faite dans un esprit qui serait l’esprit scientifique général. »

Voilà le but à atteindre ; et voici la méthode suivie pour y atteindre. Cette méthode ne sera pas une méthode dialectique, pareille à celle dont se servent les sceptiques contemporains, ce sera une méthode positive. Elle consistera essentiellement dans une analyse des opinions et des réflexions des principaux physiciens contemporains sur leur science ; et elle nous permettra de juger s’il y a désaccord profond ou accord relatif de ces différents savants sur l’objectivité de leur science. Telle est la matière de la première partie : elle consiste dans l’analyse des doctrines (p. 23-304). Cette analyse nous montre sans doute une violente réaction contre le mécanisme classique avec l’école énergétiste. Le mécanisme traditionnel prétendait non seulement donner une explication, une représentation mécanique de tous les phénomènes physiques, mais encore atteindre avec le mouvement l’élément constitutif de la réalité. C’est contre cet ontologisme dogmatique de l’ancien mécanisme que réagit l’énergétisme : il ne veut pas que l’on érige en suprême réalité des hypothèses hasardeuses et prématurées et, dans sa défiance de telles hypothèses, il rejette de la science toute représentation figurative, ne conservant que le fonds solide des vérités expérimentales, des données de fait, et le système d’expressions, ou de concepts, qui sont nécessaires pour traduire, classer, systématiser ces faits, en d’autres termes le formalisme mathématique. Mais il admet l’objectivité des données expérimentales, et croit à un progrès de la science vers l’unité. Voilà ce qui ressort des écrits de Rankine, Mach, Ostwald, Duhem. C’est contre le même ontologisme que réagit l’école critique, avec H. Poincaré : le grand physicien cherche à distinguer dans la physique la partie formelle et théorique et la partie purement expérimentale. S’il montre une part de convention dans les principes généraux de la physique, analogue mais non identique à celle qui intervient dans les principes mathématiques, il ne met jamais en doute l’objectivité des données expérimentales de la physique, et admet que l’expérience est seule source et seul critère de vérité en ces matières. Mais cet ontologisme qu’attaquent et dont se défient énergétistes et critiques, les mécanistes contemporains le condamnent également. Ils ne prétendent plus avoir trouvé la clef de l’univers et les atomes avec lesquels ils vont le reconstruire. Seulement ils croient que les représentations mécaniques, pour des raisons tenant peut-être à la nature de l’intelligence humaine, ont une valeur et une clarté toute spéciale, et, puisqu’aussi bien toutes les déterminations physiques précises impliquent des mesures et que les mesures s’obtiennent par des déplacements dans l’espace, ils pensent que par suite le mouvement conserve en physique une valeur éminente. Mais, s’ils espèrent qu’une représentation mécanique des phénomènes physiques est toujours possible et désirable, ils ne prétendent ni proposer actuellement une telle représentation, ni enfermer la physique dans les principes de l’ancienne mécanique rationnelle, celle de Lagrange par exemple, et exclure tout nouveau principe physique. Ce qui fait la force du néo-mécanisme, c’est qu’il pose la continuité de la théorie et de l’expérience dans la science physique, tandis qu’énergétistes et critiques séparent plus ou moins absolument la théorie d’une part, l’expérience de l’autre, et s’imposent par suite le problème difficile d’expliquer l’accord d’une théorie et d’une expérience hétérogènes entre elles. Constatons d’ailleurs que le plus grand nombre des physiciens restent mécanistes : Berthelot, Maxwell, Thomson, Boussinesq, Perrin, Langevin, M. Abraham, etc., et que les hypothèses figuratives ont été assez fécondes en découvertes pour se justifier par là même.

De ce travail d’analyse quelles conséquences philosophiques pourrons-nous tirer ? (p. 306-400). C’est qu’il n’y a pas désaccord entre les physiciens sur le point fondamental. Tous reconnaissent l’objectivité de la physique comme science ; tous