Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/42

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sans largeur, du point sans étendue. Il n’y peut parvenir qu’en regardant la ligne comme la limite vers laquelle tend une bande de plus en plus mince, et le point comme la limite vers laquelle tend une aire de plus en plus petite. Et alors, nos deux bandes, quelque étroites qu’elles soient, auront toujours une aire commune, d’autant plus petite qu’elles seront moins larges et dont la limite sera ce que le géomètre pur appelle un point.

C’est pourquoi l’on dit que deux lignes qui se traversent ont un point commun et cette vérité paraît intuitive.

Mais elle impliquerait contradiction si l’on concevait les lignes comme des continus du premier ordre ; ou plutôt la contradiction se produirait dès que l’on admettrait d’autres propositions qui semblent également intuitives et dont l’origine est analogue ; dès qu’on affirmerait par exemple l’existence des droites et des cercles.

Pour éviter des développements qui devraient être assez longs, je ne démontrerai pas qu’il y a effectivement contradiction ni comment l’introduction des nombres incommensurables suffit pour la faire cesser.

Telle est l’origine du continu du deuxième ordre, qui est le continu mathématique proprement dit.


RÉSUMÉ.

En résumé, l’esprit a la faculté de créer des symboles et c’est ainsi qu’il a construit le continu mathématique, qui n’est qu’un système particulier de symboles. Sa puissance n’est limitée que par la nécessité d’éviter toute contradiction ; mais l’esprit n’en use que si l’expérience lui en fournit une raison.

Dans le cas qui nous occupe, cette raison était la notion du continu physique, tirée des données brutes des sens. Mais cette notion conduit à une série de contradictions dont il faut s’affranchir successivement. C’est ainsi que nous sommes contraints à imaginer un système de symboles de plus en plus compliqué. Celui auquel nous nous arrêterons est non seulement exempt de contradiction interne, il en était déjà ainsi à toutes les étapes que nous avons franchies, mais il n’est pas non plus en contradiction avec diverses propositions dites intuitives et qui sont tirées de notions empiriques plus ou moins élaborées.