Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/72

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tives, ou tout au moins à exprimer en langage objectif un passage qui ne se peut vraiment justifier et exprimer qu’en langage de conscience, et comme l’approfondissement d’un même sujet.

Enfin, par suite toujours de cette sorte de synthèse qui semble se faire dans son esprit du kantisme et de l’ancienne théologie, la hiérarchie de points de vue que nous indiquions apparaît chez M. Lachelier comme une déduction et une dialectique réelle, et par là même la liberté comme une liberté naturellement efficace et créatrice, et non simplement morale, soit qu’elle ne se distingue pas du moi pur, créateur inconscient des choses, soit qu’elle se prolonge dans un au-delà insondable ; au lieu que nous supprimons la question d’efficacité naturelle, en ce qui concerne la certitude essentielle, et acceptons le kantisme, moins le noumène. Le système de M. Lachelier oscille ainsi entre une conception morale et une conception ontologique des choses.

Mais, à vrai dire, comme nous avons vu, la conception morale de la nature, si elle est absolue, devient en quelque façon ontologique, de sorte que la différence de ces conceptions est à peine appréciable. La traduction en langage d’objet de la certitude première est presque inévitable, et ainsi la conscience logique devient l’essence, le passage à la conscience morale, le passage à l’existence d’abord, puis à la conscience éternelle. Et ce n’est pas là dépasser le kantisme, mais rendre impossible tout doute sur sa vérité. Supprimez avec le noumène le point d’interrogation qui demeure au-dessus de la certitude morale ; joignez à l’affirmation absolue de cette certitude cette remarque que nous avons faite sur l’indépendance de la vérité à l’égard de l’esprit, vous transformez le moralisme kantien en métaphysique universelle. Vous ne lui ajoutez pas une notion nouvelle ; vous changez le coefficient ou l’exposant de la première vérité qu’il pose. Et, d’autre part, atténuez la précision donnée par l’ancienne théologie à ses conceptions, et supprimez par là les problèmes spéciaux qui se posent à propos de Dieu considéré comme un autre être, l’ancienne théologie sera presque le kantisme. Et une bonne partie de ces corrections, cette théologie bien entendue nous les fournirait peut-être elle-même[1].          F. Rauh.

  1. Nous n’avons pas cru devoir signaler et apprécier toutes les théories dont nous, avons tiré grand profit et avec lesquelles une telle conception présente des analogies : le lecteur fera aisément ces rapprochements. Il nous a paru qu’il valait mieux nous borner à l’examen des thèses qui ont contribué, à ce qu’il nous semble, à former celle que nous développons ici.