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revue de métaphysique et de morale.

6. À ce point de vue, le mensonge est la faute par excellence. Car la Raison exige la parole comme elle exige Pacte. Et il faut choisir ; il faut exprimer l’idée ou ne pas la penser.

7. De même, lorsqu’il s’agit de la puissance de la Société sur nos actes, il faut bien distinguer l’action de la coutume, ou de la Société en existence et l’action de la Société en essence, ou de l’idée de la Société. Il n’est rien de plus triste que de construire la société en essence, et de ne pouvoir s’y mettre soi-même. Par là la Raison seule, sans l’aide des événements, explique le Remords.

La Liberté. — 1. Si l’« intellectualisme » renonce à définir la liberté, c’est-à-dire à distinguer action et passion, il se condamne lui-même, comme doctrine de l’action. Il faut donc montrer qu’il peut expliquer la liberté, et que seul il le peut.

2. Une doctrine qui prouve la liberté par le sentiment ne sert à rien ; elle ne fait que poser la question. C’est pour l’intelligence que le problème se pose, et pour le résoudre, c’est à l’intelligence qu’il faut parler et en langage d’idées.

3. Bien plus, c’est par les idées seulement qu’on peut définir l’action. Une action est un mouvement de mon corps qui est conforme à mes idées les plus claires ; une passion, au contraire.

4. Il faut aussi considérer le mot de l’homme qui délibère : « je me demande ce que je vais faire », et qu’il a deux sens : le sens vulgaire, très confus, et l’autre : je cherche à deviner d’après mes pensées de maintenant le mouvement que je vais faire tout à l’heure.

5. La même remarque est à faire pour les promesses et contrats. Promettre c’est calculer ce que je serai demain d’après ce que je sais de moi aujourd’hui, toutes choses autour de moi supposées égales ou leurs changements supposés prévisibles.

6. Le repentir et le remords sont crainte de moi, d’après ce que j’ai fait.

7. En résumé la pratique n’exige pas du tout que je croie à une liberté d’indifférence, bien au contraire. Il suffit de considérer que je pense avant d’agir, et que mes actions s’accordent plus ou moins avec mes pensées les plus claires, pour que le problème moral se pose, et pour que l’expression : « que puis-je attendre de moi ? » prenne tout son sens.

M. Chartier à développé, au Congrès de philosophie, seulement les trois premières thèses, avec beaucoup de détails et en considérant plusieurs exemples. Il n’échappe à personne que ces thèses, d’ailleurs