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IIme CONGRÈS DE PHILOSOPHIE — GENÈVE

suppose ? Par quelle expérience les éprouver, qui ne les suppose ? En ce sens une telle psychologie est une métaphysique, si le mot a un sens. Et elle est aussi et nécessairement une canonique. Savoir ce que c’est que penser ou apprendre à penser, c’est la même chose.

M. le professeur Stein, de Berne, a pris la parole sur le même sujet. L’objet de la philosophie n’est selon lui rien de plus ni de moins que tout l’univers, et les méthodes d’interprétation de l’univers changent selon les siècles ; on peut alors définir la philosophie par son universalité, comme la science des sciences. À cette définition théorique s’oppose une définition qui a égard à la pratique ; la physique et la logique perdent alors du terrain devant l’éthique. Cette conception a, comme la précédente, beaucoup de partisans dans le passé et dans le présent. La question du souverain bien est alors la question capitale de la philosophie. De toute façon, tandis que les sciences se développent, déterminant chacune leur objet propre et leur méthode, la philosophie reste dans les nuages, et ses détracteurs ont souvent beau jeu à ce point de vue.

Ne partageons ni l’optimisme des uns, ni le pessimisme des autres. Pour nous la philosophie est la connaissance qui unifie complètement chaque époque. À mesure que les sciences se compliquent et se séparent, la tâche de la philosophie est de faire avec ces sciences une nouvelle unité ; et ce sera ainsi toujours ; c’est seulement le dernier homme sur terre qui sera le dernier philosophe.

La tâche de la philosophie c’est un devoir, non un être. « Le monde ne nous est pas donné, dit Fichte, il est à faire. » La philosophie est un idéal, non un réalisé ; c’est pourquoi chaque époque a sa philosophie. Et toujours le monisme est l’âme de la philosophie : le dualisme n’y dure pas longtemps ; bientôt un nouveau momisme sort du dualisme. La philosophie c’est en effet la théorie de la conscience.

Par là elle guide l’histoire vers des fins ; ainsi se fait la synthèse entre sa signification comme théorie de la science, et sa puissance pratique comme directrice de la vie. Cette conception de la philosophie, qu’exprime la formule de Fichte, est celle de beaucoup d’esprits de ce temps. Fidèles à la doctrine du maître, nous tenons les religions aussi bien que les systèmes de philosophie pour des projections au dehors des qualités humaines ; nous attribuons à la matière l’une des propriétés humaines, qui est d’avoir un corps ; à