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revue de métaphysique et de morale.

Dieu, nous attribuons l’autre, qui est d’avoir un esprit. C’est un anthropomorphisme, mais il est inévitable. C’est le même anthropomorphisme qui nous fait projeter au dehors l’unité du moi. L’unité de la nature et de l’histoire est un « duplicat » de cette unité du moi que chacun observe en soi. Dans la nature règne la causalité ; dans l’histoire, la finalité. Il faut donc recommander la division de la philosophie en philosophie naturelle et philosophie sociale. La tâche dernière de la métaphysique, c’est l’union de la causalité et de la finalité, de la nature et de l’esprit. Elle doit transporter à l’univers l’unité du moi pleinement conscient. Qu’elle satisfasse en même temps les besoins de l’âme, cela est à souhaiter, mais ce n’est mi son devoir, ni son but.

Il serait facile de montrer que les deux orateurs ont dit, en somme, à peu près la même chose. M. Billa a fait, à une autre séance, mais sur le même sujet, une communication dont voici le résumé :

Il y a pour tout philosophe un ordre essentiel des idées ; c’est pourquoi ils reviennent sans cesse et depuis des siècles aux mêmes questions ; cela ne prouve pas leur impuissance, mais bien l’unité de la philosophie. Cette unité n’est pas dans les conclusions ; mais dans la méthode ; et il n’y a aucune différence entre les principes et la méthode. La méthode, c’est l’ordre naturel entre les idées, hors duquel les idées ne sont ni subjectivement ni objectivement. De quelle idée faut-il partir ? Le Cogito de Descartes, si l’on en saisit l’esprit, nous permet de définir le terrain propre à la philosophie et commun à tous les philosophes : tout objet quel qu’il soit ; et de quelque façon qu’on le considère, est connu ; être et connaître sont inséparables. Toute Ia philosophie consiste donc dans une théorie de la connaissance. Platon et Kant, tout opposés qu’ils sont s’accordent en ceci, qu’ils prennent pour objet la connaissance même. La connaissance forme une unité rigoureuse ; rien n’est hors d’elle : elle est sans limites, puisque les limites de la connaissance sont elles-mêmes objet de la connaissance, qui, par suite, les dépasse en les posant.

Et enfin la connaissance ne se distingue pas de la moralité elle-même. La volonté ne vaut que par la connaissance ; et la morale n’est pas autre chose que le « connaître pratique », comme dit Rosmini. La justice est essentiellement une loi, une idée, une connaissance. La loi de l’action c’est la vérité. L’être est un avec le bien, et il n’y a d’autre bien que l’être.