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revue de métaphysique et de morale.

ne sont pas tous indulgents — que nos esprits sont déformés par des servitudes traditionnelles ; que notre travail est un travail de manœuvres ; que notre histoire littéraire n’est pas une science : il n’y a de science que du général. Je ne le conteste pas, et le nom qu’on donnera à mes études m’est indifférent. Mais, outre qu’il faudrait voir si dans certains ordres de recherches où le résultat rigoureusement scienlifique ne peut être atteint, le travailleur ne peut pas pourtant se placer dans une attitude réellement scientifique, par laquelle ses à peu près n’excéderont pas d’une ligne l’approximation imposée par la nature de l’objet et les conditions de l’étude, on ne doit pas être dupe du vieil aphorisme : il n’y a de science que du général. Maintenant que le type de la science n’est plus exclusivement le type a priori des mathématiques et de la métaphysique, on doit bien dire encore : il n’y a de science que du général, mais il faut ajouter : il n’y a de connaissance que du particulier. C’est en connaissant les faits que l’on arrive aux idées générales et aux lois, et la science du général se fait par l’élaboration du particulier. Il y aura deux étages, si l’on veut, du travail scientifique ; en bas, la préparation des faits et des rapports particuliers : en haut, la confection des lois et des généralisations. Nous serons, nous qui faisons l’histoire littéraire — je n’ai point de peine à l’admettre, — ceux qui travaillent dans les sous-sol de la science.

Parvenu à ce point, Messieurs, je suis tenté de conclure que l’histoire littéraire et la sociologie sont deux ordres d’étude entièrement distincts et indépendants, et que si la sociologie doit être attentive à l’histoire littéraire de qui elle doit recevoir des matériaux, l’histoire littéraire n’a pas à regarder au-dessus d’elle, n’a pas à se soucier de la sociologie qu’elle précède, et qui la suppose. Je réfléchis que l’histoire littéraire, si elle sort d’elle-même, doit regarder du côté de la philologie, paléographie, critique des textes, archéologie, bibliographie : c’est là, me semble-t-il, dans les études qui fournissent des éléments à notre enquête, et non dans les généralisations qui la dépassent, que nous pouvons trouver du secours.

II

Vais-je donc m’arrêter ici et me contenter d’avoir dissocié la sociologie et l’histoire littéraire ? J’y répugne pourtant, et, peu à peu,