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les propriétés essentielles des fonctions analytiques, par exemple de celle d’admettre des dérivées de tous les ordres. Les mathématiciens savent que l’on peut construire des fonctions qui ne jouissent pas de ces propriétés.

Ce n’est pas sous cette forme, nous l’avons dit, que le monde nous est donné, puisque, par exemple, l’état du monde défini par les valeurs des variables et l’état défini par les valeurs nous apparaissent comme indiscernables si sont assez petits.

Encore une remarque : la considération de la loi différentielle à laquelle satisfait une partie du monde et des états successifs de cette partie, nous renseigne souvent sur l’état initial mieux que ne l’aurait fait l’observation directe de cet état initial. Cela nous montre que cet état initial était déterminé en réalité beaucoup mieux que l’observation directe aurait pu nous le faire croire, et nous induit à penser qu’il était dans la réalité infiniment bien déterminé et que l’imprécision apparente ne provenait que de notre infirmité. Si, par exemple, nous découvrons une planète, nous constaterons que sa distance au soleil est comprise entre et , étant relativement très petit, et nous en conclurons en vertu de la troisième loi de Kepler que son moyen mouvement est compris entre et , étant très petit. C’est tout ce que nous pourrons faire. Mais au bout d’un temps t la planète aura tourné d’un certain angle qu’il sera facile de mesurer de sorte que son moyen mouvement et par conséquent sa distance au soleil seront connus avec d’autant plus de précision que les observations se seront prolongées plus longtemps. Nous pourrons alors affirmer quelle valeur nos observations initiales nous auraient donnée pour la distance si nos instruments avaient été assez délicats.

Mais, à cause de cette imprécision même, nous pouvons être assurés que le postulat qui nous occupe, celui sur lequel repose toute la science, ne pourra jamais être mis en défaut par l’expérience. Quelque multipliées et quelque précises que soient nos expériences, elles seront toujours entachées de certaines erreurs qu’on pourra réduire, mais non pas annuler. Il y aura donc toujours moyen de représenter les observations, quelles qu’elles soient, par des fonctions qui s’en écarteront moins que ne le comporte l’incertitude des mesures et qui jouiront de la continuité, de la propriété d’avoir une dérivée, de toutes les propriétés des fonctions analy-