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phénomène. » Ici nous pourrions objecter que ce que nous pouvons nous représenter c’est le continu physique, bien différent, comme nous l’avons expliqué, du continu mathématique.

Quoi qu’il en soit, la pensée de Cournot semble claire ; la contradiction que nous croyons apercevoir dans la notion de l’infini actuel est purement apparente ; elle est due uniquement à l’infirmité de notre esprit, elle n’existe que dans l’ordre logique et est étrangère à l’ordre rationnel.

Une pareille solution ne satisfera certainement pas tout le monde, et je ne crois pas d’ailleurs qu’aucune solution réaliste puisse satisfaire tout le monde, mais il me suffit d’avoir mis en lumière la véritable pensée du philosophe ; et il ne me reste plus qu’à chercher comment il la justifiait à ses propres yeux. Nous n’avons vu jusqu’ici que des affirmations, il est temps de voir les raisons dont il les appuie. D’où vient cette tranquillité avec laquelle il croit découvrir les véritables raisons des choses ?

C’est qu’il croit qu’au-dessus de la logique formelle il y en a une autre (loc. cit., p. 3) par laquelle nous nous rendons compte des raisons que nous avons de distinguer l’essentiel de l’accidentel, l’absolu du relatif, la réalité de l’apparence. Quel moyen avons-nous de distinguer le mouvement absolu du mouvement relatif ; par exemple, pourquoi préférons-nous le sytème de Copernic à celui de Ptolémée, c’est parce qu’il est plus simple, et nous en concluons non seulement qu’il est plus commode, mais qu’il est plus réel (loc. cit., p. 89).

« Imaginons encore (loc. cit., p. 90) que l’on observe simultanément le mouvement d’un corps opaque qui décrit uniformément un cercle parfait et le mouvement de l’ombre qu’il projette sur un corps voisin, à surface irrégulière : aurait-on besoin de palper le corps et l’ombre pour s’assurer que c’est bien le mouvement du corps qui entraîne celui de l’ombre et non le mouvement de l’ombre qui entraîne celui du corps ? Ne suffirait-il pas, au contraire, de considérer combien la loi du premier mouvement parait simple, combien l’autre est compliquée…. »

Et encore, à propos de la réalité du temps et de l’espace : « car il serait par trop étrange que le verre mis sur nos yeux (c’est-à-dire la forme du temps et de l’espace que nous imposerions au monde et qui n’appartiendrait qu’à notre sensibilité) et qui devrait tout déformer aux dépens de la régularité, de la simplicité des lois, y