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H. POINCARÉ.COURNOT ET LE CALCUL INFINITÉSIMAL.

mit par une fallacieuse apparence la régularité, la simplicité que nous croyons y constater et qui de fait n’y serait pas. »

Ainsi le simple peut être la raison du complexe, le complexe ne peut pas être la raison du simple, tel est le principe fondamental de la nouvelle logique. Et par conséquent c’est par exemple la loi de Newton, qui est la raison des lois de Kepler, parce qu’elle est plus simple ; cela oe peut pas être l’inverse.

Or, la loi de Newton nous fait connaître quelle est la variation infiniment petite que subit dans un temps infiniment polit la vitesse des corps célestes sous l’influence de leur attraction mutuelle. Les lois de Kepler, au contraire, nous font prévoir les variations finies de cette même vitesse dans un temps fini. Et comme la même différence de simplicité se retrouve dans tous les problèmes de physique, il nous faut bien conclure que c’est l’infiniment petit, c’est-à-dire le simple, qui est la raison du fini, c’est-à-dire du complexe.

Si l’on voulait remplacer la rampe douce du continu leibnitien par l’escalier évellinien, quelque nombreuses et quelque rapprochées qu’en soient les marches, on ne retrouverait jamais la même simplicité, parce que la grandeur, en cessant d’être continue, au sens mathématique du mot, cesserait d’être homogène, puisque le tout ne pourrait rester semblable à la partie. Et alors on serait obligé d’admettre que c’est le simple, c’est-à-dire le continu, qui est l’apparence, et le complexe, c’est-à-dire le discret, qui est la réalité. Il faudrait croire que le verre à travers lequel nous voyons les objets leur donne une simplicité qui ne leur appartient pas.

Cela semble impossible à Cournot. En résumé, c’est de la croyance à la simplicité de la nature, croyance fondée elle-même sur le principe de raison suffisante, qu’il tire sa conviction.

« S’il faut compliquer une formule, dit-il (loc. cit., p. 101), à mesure que de nouveaux faits se révèlent à l’observation, elle devient de moins en moins probable en tant que loi de la Nature…⋅ Si, au contraire, les faits acquis à l’observation postérieurement à la construction de l’hypothèse sont bien reliés par elle, si surtout des faits prévus comme conséquences de l’hypothèse sont postérieurement confirmés, la probabilité de l’hypothèse peut aller jusqu’à ne laisser aucune place au doute dans un esprit éclairé. »

Cette simplicité, cette symétrie qui devient le critérium de la certitude, ne peut se rencontrer que dans les idées mathématiques d’ordre et de forme. C’est là pour Cournot « le secret de la préémi-