Page:Revue de métaphysique et de morale - 13.djvu/669

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
659
G. LANSON.Droit du père de famille et droit de l’enfant.

congréganiste, on réclame en réalité pour lui non pas les moyens d’exercer son droit, mais la faculté de s’en démettre.

Voyons les choses sous les mots. La formule libérale du droit du père de famille est la couverture d’un autre droit qu’on évite de proclamer au Parlement, qu’on se risque plus aisément à rappeler dans les Revues et les livres, le droit divin de l’Église, qui a reçu du Christ la mission «renseigner. Ite et docete.

L’Église a donc un pouvoir direct sur la formation surnaturelle des chrétiens, c’est-à-dire sur leur instruction religieuse et sur leur éducation morale. Mais cette mission serait illusoire et inefficace, si l’Église n’avait conséquemment un pouvoir indirect sur leur formation naturelle, en ce sens qu’elle a le devoir et le droit de veiller à ce que les leçons des sciences profanes et l’exemple de l’immoralité ne viennent pas compromettre les croyances et gâter les mœurs de ses enfants. Tel est le fondement rationnel de la surintendance que l’Église exerce sur l’enseignement scientifique[1].

Le régime parlait de l’instruction publique, le régime qui répondrait à l’état normal de la société, ce serait que l’Église possédât seule, en fait comme en droit, la direction de tout l’enseignement, et à tous ses degrés ; ce serait que la surveillance universelle des écoles primaires, secondaires et supérieures fût confiée à l’Église, de façon que le dogme et la morale n’eussent rien à souffrir nulle part, ni dans l’enseignement de la religion, ni dans l’enseignement des sciences profanes. Il faut bien qu’on le sache, l’Église ne consentira jamais à renier ou à dissimuler son droit souverain de diriger l’éducation entière de ses enfants, de tous ceux qui lui appartiennent par le baptême[2].

L’Église ne dissimule pas son droit. Mais ses défenseurs aiment mieux mettre en avant le droit du père. C’est une tactique officiellement recommandée.

Il fut convenu au Congrès de Lyon, écrivait le P. Burnichon dans les Études, que l’on éviterait d’attaquer l’enseignement d’État, aussi bien que d’en appeler au droit supérieur et inamissible que l’Église tient de son divin fondateur d’enseigner toutes les nations de la terre. Ces arguments auraient le tort de n’être pas compris, ou d’irriter certaines gens dont le concours nous est nécessaire. Gardons-nous donc de toute agression et ne réclamons rien qu’au nom des principes du droit public moderne[3].

On aurait tort de s’indigner de cette tactique. C’est le droit des catholiques de reconnaître l’autorité mystique du mot : Ite et docete.

  1. Sortais, p. 87.
  2. Le P. Marquigny, dans les Études religieuses publiées par les P. P. de la C. de J. Cité par M. Béraud, Abrogation de la loi Falloux, p. 38.
  3. La liberté d’enseignement, p. 24.