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revue de métaphysique et de morale.

lui-même exerce, et à demeurer indéfiniment le vrai maître, l’arbitre réel des enfants de son enfant.

Enfin l’enfant a le droit d’être soi, de devenir un individu distinct, et non pas seulement l’image, la survivance de son père. Il a droit qu’on développe en lui autre chose que les sentiments et les préférences de son père, qu’on l’aide à créer en lui une personne, fille de la personne paternelle à coup sûr, liée de mille liens et semblable par bien des traits à cette personne, distincte pourtant et indépendante, et capable de pensées et d’actes où lui-même, et non son père, se réalisera.

M. Parodi, ici, a tout à fait raison de rejeter une éducation dogmatique sans contrepoids.

L’enfant qui la reçoit est condamné à n’entendre jamais qu’une cloche, à ne voir qu’une face de la multiforme réalité ; à l’enseignement du foyer y répond comme un écho l’enseignement de l’école, et tout l’enseignement de l’école converge logiquement vers un même but, identique dans son esprit chez tous les maîtres, dans tous les exercices, à toutes les heures : ainsi se forme autour de l’enfant une atmosphère impénétrable, comme un milieu isolateur, qui le rend inaccessible à toute idée, à tout sentiment étranger[1].

École catholique ou école athée, cette école close fait une mauvaise œuvre.

M. Jacob a très bien remarqué que le désir honnête et légitime du père d’avoir un fds semblable à lui ne constituait pas un droit réel de tout sacrifier à la réalisation de cette ressemblance.

Les hommes attachés à une tradition étroite… disent : « Nous voulons le droit de fixer à jamais dans la conscience de nos enfants, en les dérobant à toute critique, les principes de la foi inflexible qui fait notre honneur, notre force et notre joie ». Et cependant ce qu’on invoque ainsi comme un droit, n’est rien de plus qu’un désir, le désir très naturel — et très précieux à plus d’un point de vue — que l’homme éprouve de survivre en ses enfants par ses sentiments, ses croyances, sa pensée. La justice exige que dans la société, nul ne subisse une éducation entendue de telle sorte qu’elle l’exclue presque infailliblement de la possibilité d’adopter des opinions qui peuvent à la fois être vraies et conformes aux tendances de sa nature[2].

Le devoir du père est de respecter le droit de l’enfant ainsi entendu. Mais remettra-t-on à la discrétion du père d’observer ou

  1. Parodi, Rev. de Métaph., novembre 1902. p. 780.
  2. Jacob, Rev. de Métaph., janvier 1903, p. 104.