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G. LANSON.Droit du père de famille et droit de l’enfant.

de ne pas observer les ménagements qui assurent la Liberté future de l’enfant ? Dans une certaine mesure, oui ; mais non pas absolument. Personne ne s’interposera entre Le père et l’enfant, n’écoutera ce que celui-là dira à celui-ci : il le pétrira à son gré, dans ce commerce intime : il le pétrira selon son pouvoir el sa volonté. Il ira parfois dans cette action au delà de son droit : c’est son affaire. Au lieu d’utiliser discrètement la puissance de l’exemple, de la tradition familiale, des affections, des habitudes prises de bonne heure, il emploiera tons les moyens d’ôter à la personne future de son enfant la puissance de réagir, d’examiner, d’adhérer ou de rejeter avec réflexion, en connaissance de cause. Nul ne le troublera dans cet œuvre mauvaise, ou tout au moins indiscrète.

Mais a un moment le père fait appel à des tiers. Il invite des personnes étrangères à travailler l’esprit de son enfant.

Ici peut intervenir l’État. L’organisation de l’éducation nationale est une de ses fonctions. En observant la règle de respecter la liberté de conscience, de ne donner une autorité officielle à aucune doctrine, de n’exclure du droit d’enseigner aucun adulte simplement pour une manière de penser métaphysique, religieuse, ou politique, il lui appartient de déterminer le régime de l’enseignement, monopole ou liberté, condition de capacité des maîtres, examens et programmes, etc.

Il a aussi un intérêt et un droit direct à faire valoir : il peut se préoccuper de la formation des futurs citoyens, et de s’assurer qu’on donne bien aux enfants ce dont ils ont besoin comme tels. Le droit de l’enfant et le droit de l’État, du point de vue de l’éducation civique, coïncident.

Enfin l’État est cotuteur de l’enfant avec le père : tutelle qui s’efface devant celle du père dans toutes les relations ordinaires où l’intérêt de l’enfant est en opposition avec des intérêts étrangers ; tutelle qui intervient parfois lorsque c’est contre le père que le droit de l’enfant a besoin d’être garanti. Seul le tuteur civil qu’est l’État a pouvoir et qualité pour limiter l’action du tuteur naturel qu’est le père, pour restreindre la prise de possession de la personne fragile et incomplète de l’enfant par la personne forte et finie du père. C’est à l’État qu’il appartient de déterminer les conditions générales qui seront les plus propres à empêcher qu’une éducation de secte — qu’elle soit athée ou religieuse, il n’importe — n’exclue par avance les enfants de la personnalité autonome à laquelle ils ont droit d’être élevés.