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revue de métaphysique et de morale.

Ces conditions, je crois, qu’on peut les réduire à deux :

1o Il faut assurer à l’enfant une éducation rationnelle. Je n’entends pas par là consacrer un rationalisme officiel dont les solutions s’imposeraient dans le domaine métaphysique, religieux et sentimental. Je veux dire tout simplement que dans certains domaines soigneusement définis, dans ceux que nul ne dispute aujourd’hui à l’intelligence humaine, dans le domaine des sciences, des lettres, de l’histoire, des langues, les maîtres exerceront l’enfant, d’une façon toute désintéressée, sans préoccupation confessionnelle de dogmatique d’aucune sorte, à l’usage de la raison, de l’observation, de la comparaison, de l’analyse, de l’induction, etc., en un mot de toutes les méthodes humaines qui conduisent à connaître et à juger.

Le père, ou les personnes qu’il choisira, pourront, à coté de cette éducation rationnelle, mettre ce qu’ils voudront d’enseignement dogmatique ou de suggestion sentimentale : ce n’est pas notre affaire. Mais l’enfant a droit avant tout à cette culture rationnelle par laquelle, à l’âge adulte, il sera capable de liberté intellectuelle et morale.

2o Il faut que l’enfant soit pénétré de cette conviction que les préférences dogmatiques ne doivent avoir aucune influence sur l’ordre de la vie civile. Qu’il tienne du père toutes les opinions mystiques que celui-ci voudra ou pourra lui communiquer, nul n’a droit de l’empêcher. Mais l’État a le droit de prendre des garanties pour que la persuasion de posséder la seule vérité qui sauve, la condamnation et la haine théologiques de toutes les hétérodoxies, ne produisent pas d’effets civils et n’aboutissent pas à des ruptures du lien social. Ce résultat sera atteint, en même temps que la liberté personnelle de l’enfant sera défendue, si de bonne heure la révélation des diversités de la pensée humaine et de leur condition égale dans la société, lui est faite. Je ne propose pas, j’ai repoussé tout à l’heure l’idée d’étaler devant la jeunesse, d’offrir à son choix les différentes doctrines : je ne parle pas ici d’une exposition verbale, mais d’une constatation pratique. Si peu à peu, selon les occasions, l’enfant voit à côté de lui des camarades, des professeurs dont les croyances ne sont pas celles de sa famille, si, sans qu’on sorte de la neutralité scolaire, mais par le simple et nécessaire effet de la vie, il entend ou devine des accents de croyance ou de sentiment divers, catholiques, calvinistes, libres penseurs, etc., s’il a de bonnes relations de camarade, lui catholique, avec des fils de juifs ou de