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H. POINCARÉ.LES MATHÉMATIQUES ET LA LOGIQUE.

V. — La Seconde Objection.

Je réserve pour plus tard les questions traitées par M. Couturat dans son paragraphe IV et qui nécessitent un examen plus approfondi et j’arrive à ma seconde objection que M. Couturat cherche à réfuter dans son § V.

Où, dit-il, M. Poincaré a-t-il vu les logisticiens commettre la faute qu’il leur reproche ? Je commence par déclarer qu’en écrivant la phrase incriminée, je ne pensais pas à la confusion commise par M. Russell entre deux énoncés différents du principe d’induction. Cette confusion se trouve dans un article de polémique, mais non dans son ouvrage principal, et je ne voudrais pas en abuser contre lui.

C’est dans l’article de M. Hilbert que j’avais relevé la faute en question ; aujourd’hui M. Hilbert est excommunié et M. Couturat ne le regarde plus comme un logisticien ; il va donc me demander si j’ai trouvé la même faute chez les logisticiens orthodoxes. Non, je ne l’ai pas vue dans les pages que j’ai lues ; je ne sais si je la trouverais dans les 300 pages qu’ils ont écrites et que je n’ai pas envie de lire.

Seulement il faudra bien qu’ils la commettent le jour où ils voudront tirer de la science mathématique une application quelconque. Cette science n’a pas uniquement pour objet de contempler éternellement son propre nombril ; elle touche à la nature et un jour ou l’autre elle prendra contact avec elle ; ce jour-là, il faudra secouer les définitions purement verbales et ne plus se payer de mots.

Quoi qu’il en soit, je reviens à l’exemple de M. Hilbert ; il s’agit toujours du raisonnement par récurrence, et de la question de savoir si un système de postulats n’est pas contradictoire. M. Couturat me dira sans aucun doute qu’alors cela ne le touche pas, mais cela intéressera peut-être ceux qui ne revendiquent pas comme lui la liberté de la contradiction.

Nous voulons établir comme plus haut que nous ne rencontrerons pas de contradiction après un nombre quelconque de raisonnements, aussi grand que l’on veut, pourvu que ce nombre soit fini. Pour cela il faut appliquer le principe d’induction. Devons-nous entendre ici par nombre fini, tout nombre auquel par définition le principe d’induction s’applique. Évidemment non, sans quoi nous serions conduits aux conséquences les plus étranges.