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SULLY PRUDHOMME. psychologie du libre arbitre.

implicite même. Remarquons, en effet, qu’un sujet peut avoir conscience d’une chose sans avoir conscience qu’il en a conscience, c’est-à-dire sans qu’il y ait réflexion. Quand une notion est déterminée pour la première fois par une impression du dehors, du non-moi, l’affirmation du moi implique conscience (réfléchie ou non) qu’il y a nouveauté pour le sujet ; de là l’étonnement. De l’étonnement naît l’interrogation, qui est une réaction intellectuelle du sujet contre l’objet. Mais la conscience de la nouveauté, l’étonnement et l’interrogation n’existent, bien entendu, à l’état net et distinct que chez les vivants supérieurs, chez l’homme et chez les bêtes assez élevées sur l’échelle des êtres organisés. Ces états mentaux n’existent chez les animaux inférieurs qu’à un infime degré. Il est même vraisemblable qu’au début de l’évolution animale il existe seulement une obscure sensibilité aussi voisine que possible de l’inconscience sans aucune réaction intellectuelle proprement dite.

En résumé, j’entends par notion d’une chose quelconque (intérieure ou extérieure à moi) la synthèse de deux facteurs à savoir : 1o un état déterminé tout d’abord dans ma conscience par l’impression de cette chose sur elle grâce à l’intermédiaire nerveux de mes sens ou même sans cet intermédiaire (introspection) ; 2o l’affirmation faite implicitement par moi que cette chose existe en moi ou hors de moi. J’ajoute que la notion m’est possible parce qu’il y a en moi certains caractères communs avec la chose, ce qui permet à ma conscience de communiquer avec celle-ci.

La notion est dite concrète quand elle représente son objet tel qu’il était perçu pendant qu’il s’offrait par l’impression à mon observation externe ou interne ; la notion est dite abstraite, quand elle ne représente qu’une ou quelques-unes des données constitutives de l’objet, abstraites arbitrairement de ma perception par mon activité mentale.

Tout ce que la notion a de commun avec l’objet est dit objectif en elle et l’identité de ses caractères avec ceux qui le spécifient est appelée son objectivité. Tout le reste en elle étant exclusivement des états de moi-même, de ma propre conscience, sujet de l’impression qui la provoque, est à ce titre appelé subjectif.

La notion est une idée, mais le sens du vocable idée est plus large que celui du vocable notion, car une notion est essentiellement et intégralement représentative de quelque chose de réel, en un mot objective, tandis qu’une idée peut n’être qu’en partie objective. Elle