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revue de métaphysique et de morale.

peut être formée par la combinaison que fait arbitrairement l’activité intellectuelle de données sensibles dues à des impressions reçues ; ces données sont ainsi les termes objectifs de rapports tout subjectifs que je crée entre elles.

II

Je vais maintenant examiner le problème dont la solution intéresse essentiellement la preuve que je propose du libre arbitre, je veux dire le problème de l’objectivité des idées. Comment le psychique peut-il représenter le physique à titre de signe non conventionnel, mais expressif, puisque ce sont deux données qui semblent n’avoir entre elles rien de commun ? Comment, dans l’exemple précédemment donné, un poids peut-il être exprimé par une idée, le substratum de l’idée n’impliquant rien de pesant ? On comprend que, dans la conscience réfléchie, qui est psychique, un état moral, une sensation ou un sentiment, qui sont également psychiques, puissent être représentés expressivement, être l’objet d’une idée ; mais la formation d’une idée ayant un objet matériel, semble radicalement impossible. Je réponds d’abord que le psychique est sans conteste exprimé par le physique : le visage humain en fait foi ; le sourire est indivisément corporel et moral, ce qui prouve par l’expérience qu’il y a quelque chose de commun entre la matière et l’esprit. Je renvoi le lecteur au tableau que j’ai dressé dans mon livre L’Expression dans les Beaux-Arts ; il y verra un nombre considérable d’exemples, tirés du langage, qui montrent l’existence d’un fond commun au monde psychique et au monde physique. Or l’opération qui forme les idées dont l’objet est matériel n’est que l’inverse de l’emploi qui est fait de ce fond commun pour la formation d’un visage. Il n’est pas plus impossible d’exprimer un poids ou quelque autre chose d’ordre matériel par une chose d’ordre spirituel que d’exprimer réciproquement la seconde par la première, que de se faire comprendre en disant : cet homme a l’esprit lourd, pesant ou léger ; cet autre a des idées larges, élevées, des sentiments bas, étroits, etc. Ce qu’il y a de commun entre ces deux ordres de choses sert à exprimer indifféremment les unes par les autres. Mais dès lors il faut admettre que la distinction du physique et du psychique n’est pas foncière, ce que suffit à montrer un l’ait que j’ai déjà cité, le mouvement de ma plume, qui est matérielle et néanmoins guidée par ma volonté