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revue de métaphysique et de morale.

passage de la Critique de la Raison pure de Kant[1] où se trouve reconnue et énoncée a mon gré la distinction que je viens d’établir entre les idées et les moules qui en attendent les matériaux empiriques : « …… les conditions formelles d’une expérience en général. Mais cette expérience ou plutôt la forme objective de cette expérience en général, renferme toute la synthèse nécessaire pour la connaissance des objets. Un concept qui embrasse une synthèse doit être tenu pour vide et ne se rapporte a aucun objet quand cette synthèse n’appartient pus à l’expérience, soit comme tirée de l’expérience — et alors le concept prend le nom d’empirique — soit comme condition a priori sur laquelle repose l’expérience en général (la forme de l’expérience) — et alors c’est un concept pur mais qui appartient à l’expérience, puisque l’objet n’en peut être trouvé que dans l’expérience… »

J’ai signalé par l’emploi de caractères italiques les membres de phrase qui confirment ce que j’avance sur la correspondance innée entre le moi et le monde extérieur et révélée par l’organisation même du psychique humain qui est affecté à la formation des idées objectives. On voit que cette correspondance en est la condition essentielle, ce qu’il m’importait surtout d’établir. Elle se manifeste chez l’animal, à un rang inférieur, mais sans conteste, dans ce qu’on nomme les instincts. Ces impulsions le dirigent soit, pour se nourrir, vers certains produits de la terre assortis d’avance aux sens du goût et de l’odorat, soit, pour se reproduire, vers un autre animal de même espèce et de sexe différent.

Sous les réserves qui précèdent il est reconnu que le monde matériel extérieur au moi ne peut se révéler à l’esprit humain par les sens qu’au moyen d’impressions préalables sur les nerfs sensitifs. Dans ces derniers c’est le facteur matériel, intimement uni au facteur spirituel, qui reçoit les impressions. Les nerfs sont d’abord mécaniquement ébranlés par elles et leur ébranlement est seul dépositaire des caractères qu’ils transmettent au facteur spirituel pour y être représentés expressivement. Remarquons que ces caractères sont non seulement matériels, mais encore psychiques ; le moral d’autrui situé hors de nous est, en effet, exprimé, comme je l’ai précédemment signalé, par la physionomie dont l’organe est la matière du visage. Je ne m’occupe ici que des caractères matériels représentés par l’ébranlement nerveux dans le facteur psychique du nerf

  1. Traduite par A. Tremesaygues et H. Pacaud, 1905, p. 233.