Page:Revue de métaphysique et de morale - 18.djvu/896

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même, un élément qui me fournit l’explication cherchée : c’est l’idée, qui, notamment chez l’homme, s’intercale entre l’excitation et la réaction. Si je veux demeurer sur le terrain expérimental, je ferai une place, dans la théorie des réflexes, à cette idée, aussi bien qu’aux nerfs qui suffisent sensiblement à expliquer les réflexes inférieurs. Scientifiquement, je dois expliquer les actes des animaux, selon les cas, par de simples phénomènes organiques, ou par l’intervention d’une idée.

Mais cette remarque ne fait-elle qu’ouvrir un nouveau chapitre de la physiologie ?

Il importe de modeler la science sur les réalités, et non celles-ci sur telle ou telle condition de la science, que l’on poserait a priori. L’idée, qui, chez les animaux supérieurs, et en partie chez l’homme, a ce caractère remarquable d’être aperçue par une conscience, ne pourrait en aucune façon être connue, si l’on devait s’en tenir au point de vue du physiologiste. L’expérience dont elle est l’objet diffère radicalement de l’expérience physique, qui suffit à l’étude de la vie proprement dite. C’est l’expérience dite psychologique, dont la réalité distincte a été fort bien mise en lumière par Locke, Berkeley, John-Stuart Mill et les psychologues modernes.

Mais, pour définir fidèlement cette expérience, convient-il de la concevoir le plus possible comme analogue à l’expérience physique, et de supposer qu’elle a pour but, après avoir découvert dans l’âme des éléments simples, de chercher comment ceux ci se combinent pour produire les phénomènes complexes dont nous avons conscience ? Cet atomisme psychologique fut la doctrine de l’école associationniste. Or il a ce double inconvénient de ne s’adapter en aucune façon à la nature, essentiellement nuancée, fluide et individuelle, des réalités que nous fait connaître l’expérience psychologique, et de n’expliquer, en conséquence, qu’un monde abstrait et hypothétique de prétendus états d’âme, détachés idéalement des âmes existantes, au lieu de rendre compte de la vie réelle de ces âmes elles-mêmes.

Faut-il donc rapporter les phénomènes psychiques à la substance des spiritualistes, comme principe de l’unité qui domine leur multiplicité ? Une telle substance n’est, elle aussi, qu’un être de raison, étranger à l’expérience ; et l’universalité homogène qui la caractérise la rend impropre à expliquer ce qu’il y a d’original dans les phénomènes psychiques.