Page:Revue de métaphysique et de morale - 18.djvu/897

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L’introspection est et demeure la méthode nécessaire, la méthode propre de la psychologie. Mais cette introspection doit être conduite de manière à saisir, non le multiple sans l’unité, comme l’expérience pseudo-psychologique des associationnistes, non l’un sans le multiple, comme la prétendue intuition des métaphysiciens spiritualistes. La véritable introspection est la synthèse vivante, la fusion intime, l’unité concrète de ces deux méthodes. Elle a pour objet la donnée véritable, immédiate, de la conscience. Or cette donnée n’est ni un état de conscience juxtaposé à d’autres états, comme sont des corps dans l’espace, ni un moi un et identique semblable à une unité mathématique : c’est le contenu total, distinct et indistinct, fini et infini, un et multiple, d’une certaine conscience individuelle, à un moment donné de son existence. Et l’idée même d’un moment isolé est une fiction ; car la conscience est un courant perpétuellement mouvant. The stream of consciousness : c’est la manière la moins impropre de désigner la conscience.

Telle est donc l’expérience psychologique : elle ne fait qu’un avec la conscience elle-même ; et celle-ci n’est pas une pelote où seraient piqués des accidents, ce n’est pas une collection d’éléments dont l’unité et l’individualité ne seraient que des épiphénomènes : c’est une unité multiple et une multiplicité une, un être essentiellement individuel et vivant, en sorte que considérer ses manifestations en faisant abstraction de sa vie et de son individualité, c’est proprement étudier autre chose que ce qui est en question. Cette unité n’est pas faite de multiplicité, car on ne la peut obtenir par synthèse. Le multiple en peut résulter, non la précéder et la produire. C’est ainsi que d’une ligne on peut extraire des points, mais avec des points on ne peut faire une ligne.

L’expérience psychologique, ainsi définie, étant aussi réelle que l’expérience physique, la psychologie qui sera constituée par son moyen aura droit au nom de science naturelle, aussi bien que les sciences de la vie qui pratiquent l’expérience physique.

Quel usage, d’ailleurs, fera la psychologie de la méthode qui lui est propre ? Se bornera-t-elle à décrire les phénomènes que discerne l’introspection, sans tenter en aucune façon de les expliquer ?

Il serait tout aussi artificiel d’isoler l’expérience psychique de l’expérience physique, que de tenir celle-ci pour la seule que la science puisse avouer. L’expérience nous montre des états de conscience conditionnés immédiatement par certaines activités des hémisphères