Page:Revue de métaphysique et de morale - 18.djvu/905

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même que l'action réflexe est un phénomène à la fois physiologique et psychique, de même il y a, dans la conscience, une région mitoyenne entre le moi d’un individu et les autres moi. Depuis longtemps on a reconnu l'existence, autour du centre ou foyer de la conscience, d’une marge, impossible à délimiter, où flottent des éléments de moins en moins conscients, susceptibles d’être amenés, par l’attention, que meut l’intérêt, au plein jour de la conscience focale. Mais là ne se borne pas aujourd’hui notre connaissance du moi. On doit considérer comme capitale la découverte, fixée en 1886, d’un champ de conscience situé en dehors même de cette marge de la conscience personnelle. Le savant et profond psychologue Myers a nommé conscience subliminale cette conscience hors de la conscience, qui se relie au moi central par l’intermédiaire de la région marginale. L’existence de ce moi subliminal est attestée par nombre de données que le moi central rencontre dans son champ d’expérience, et qu’il ne peut rattacher à son expérience personnelle. Telles les intuitions du génie ; tels les postulats métaphysiques de notre expérience physique ou psychologique ; telles, par exemple, la notion d’une réalité répondant à nos états d’âme, la notion d’une correspondance entre nos idées et les choses, permettant d’ériger nos idées en connaissances. Le moi subliminal est très propre à expliquer les particularités de la conscience religieuse. Eu lui, en effet, s’efface, comme des ondulations expirantes, le cercle mouvant que le moi individuel trace autour de lui, et au dedans duquel il prétend s’isoler de l’univers. Et dans cette région ouverte et hospitalière les consciences peuvent se pénétrer, et des consciences inférieures peuvent s’unir à des consciences plus grandes, à la conscience divine elle-même. Que sera, par exemple, à ce point de vue, le phénomène de la conversion religieuse ? Ce sera l’irruption brusque, ou l’infiltration lente, dans la partie centrale de la conscience, d’impressions nées au sein de la région subliminale, et parvenues, grâce à leur intensité ou à l’abandon confiant du moi, à se frayer un passage à travers les barrières où celui-ci s’était enfermé. De là un déplacement du foyer de l’âme, un changement d’orientation de la volonté et de la vie.

Il y a, selon cette doctrine, une transition continue de l'expérience psychologique à l’expérience religieuse, comme de l’expérience physique à l’expérience psychologique. Et l’expérience