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revue de métaphysique et de morale.

en lui-même, et comme dans le fond obscur de son être. Telles sont les affections vagues qui se rapportent aux phénomènes internes de la vie végétale. Telles sont les sensations qui subsistent seules dans les organes mêmes de l’activité volontaire, quand la paralysie y a aboli le mouvement. Telles sont enfin, quoique déjà plus distinctes, les sensations de la chaleur et du froid. Ce sont des passions sur lesquelles l’intelligence n’a aucune prise, qui échappent à la mémoire, et que la volonté ne rappelle point[1].

Au contraire, dès que les organes du tact obéissent sans résistance à la volonté, c’est la perception qui règne seule. La sensation, la passion, a disparu, et dans le champ de l’étendue que parcourt et mesure le mouvement, tout est objet d’intelligence et de science.

Mais en même temps, et à mesure que la résistance s’évanouit, rien ne réfléchit plus sur lui-même le principe de l’action ; rien ne le rappelle à lui[2]. Sa volonté se perd dans l’excès de sa liberté. Dans la passion pure, le sujet qui l’éprouve est tout en lui, et par cela même ne se distingue pas et ne se connaît pas encore. Dans l’action pure, il est tout hors de lui, et ne se connaît plus. La personnalité périt également et dans la subjectivité et dans l’objectivité extrêmes : ici par l’action, et là par la passion. C’est dans la région moyenne du tact, c’est dans ce moyen terme mystérieux de l’effort que se trouve avec la réflexion la conscience la plus claire et la plus assurée de la personnalité.

Dans les quatre sens qui s’échelonnent entre les limites extrêmes du développement du tact, mêmes rapports, soumis à la même loi[3].

Le tact, dans la passivité élémentaire, n’implique aucun mouvement. Les sens relatifs aux fonctions qui préparent la vie végétale, le goût et l’odorat, ne supposent aussi que des mouvements préparatoires pour mettre en contact l’objet avec l’organe. L’organe en lui-même est étranger au mouvement. L’extériorité n’entre donc pour rien dans les représentations de ces deux sens, ni par conséquent l’objectivité, qui suppose l’imagination du mouvement et de l’étendue, ni enfin la connaissance distincte et la perception. Le sujet sait à peine si la saveur, si l’odeur est en lui, si c’est lui-même, ou

  1. M. de Biran, Infl. de l’habit., p. 17 sqq.
  2. Id, ibid.
  3. Cf. eumdem, ibidem. On trouve des recherches intéressantes sur la différence de la sensation et de la perception, dans les Considérations sur la Sensibilité, de M. Paffe (1832, in-8).