Page:Revue de métaphysique et de morale - 2.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
27
F. RAVAISSON.de l’habitude.

Ne serait-ce pas, de la même manière, le secret de la transmission de la maladie elle-même, de l’idée substantielle de la maladie, qui attend son temps et son heure pour être dans le fils ce qu’elle était dans le père, et qui se propage avec ses formes et ses périodes immuables de génération en génération[1] ?

Enfin, non seulement la forme la plus relevée de la vie dans l’humanité, l’activité motrice, renferme en abrégé toutes les formes inférieures qui se développent dans les fonctions subordonnées ; mais la série de ces fonctions n’est elle-même que le résumé du développement général de la vie dans le monde, de règne en règne, de genre en genre, d’espèce en espèce, jusqu’aux plus imparfaits rudiments et aux éléments les plus simples de l’existence. Le monde, la nature entière offre l’aspect d’une progression continue où chaque terme est la condition et la matière de tous les termes supérieurs, la forme de tous les inférieurs, et où chacun se développe, par conséquent, et se représente par parties et en détail dans toute la série qu’il enveloppe. Ainsi, dans son progrès au sein de la vie intérieure de la conscience, l’habitude figure sous une forme successive l’universalité des termes qui marquent dans le monde extérieur, sous la forme objective et immobile de l’espace, le développement progressif des puissances de la nature. Or, dans l’espace, la distinction des formes implique la limitation ; il n’y a que des différences déterminées, finies ; rien, donc, ne peut démontrer entre les limites une absolue continuité, et, par conséquent, d’une extrémité à l’autre de la progression, l’unité d’un même principe. La continuité de la nature n’est qu’une possibilité, une idéalité indémontrable par la nature même[2]. Mais cette idéalité a son type dans la réalité du progrès de l’habitude ; elle en tire sa preuve, par la plus puissante des analogies.

Dans l’homme, le progrès de l’habitude conduit la conscience par une dégradation non interrompue, de la volonté à l’instinct, et de l’unité accomplie de la personne à l’extrême diffusion de l’impersonnalité. C’est donc une seule force, une seule intelligence qui est dans la vie de l’homme le principe de toutes mes fonctions et de toutes les formes de la vie.

Seulement, avec les conditions de l’espace et du mouvement disparaissent celles de la réflexion et de la mémoire. Les fonctions les

  1. Id. ibid. Burchart (præside Stahlio), De hæreditaria dispositione ad varies affectus (1706, in-4). Jung, De consuetudinis efficacia, p. 13.
  2. Kant, Crit. de la Rais. pure.