Page:Revue de métaphysique et de morale - 28.djvu/531

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des ressemblances extérieures et trompeuses, tantôt se laisse tromper par des différences apparentes. Par suite, si nous suivions cette voie, nous risquerions fort, ou d’appeler socialisme toute sorte de doctrines contraires, ou, inversement, de mettre en dehors du socialisme des doctrines qui en ont tous les traits essentiels, mais que la foule n’a pas pris l’habitude d’appeler ainsi. Dans un cas, notre étude porterait sur une masse confuse de faits hétérogènes et sans unité ; dans l’autre, elle n’embrasserait pas tous les faits qui sont comparables et de nature à s’éclairer mutuellement. Dans les deux cas, elle serait dans de mauvaises conditions pour aboutir.

Au reste, pour se rendre compte de ce que vaut cette méthode, il suffit d’en voir les résultats, c’est-à-dire d’examiner les définitions qui sont le plus couramment données du socialisme. Cet examen est d’autant plus utile que, comme ces définitions expriment les idées les plus répandues sur le socialisme, les manières les plus communes de le concevoir, il importe de nous débarrasser tout de suite de ces préjugés qui, autrement, ne pourraient que nous empêcher de nous entendre et gêner nos recherches. Si nous ne nous en libérons pas avant d’aller plus loin, ils s’intercaleront entre nous et les choses et nous feront voir celles-ci autrement qu’elles ne sont.

De toutes les définitions, celle qui, peut-être, hante delà manière la plus constante et la plus générale les esprits toutes les fois qu’il est question du socialisme est celle qui le l’ait consister dans une négation pure et simple de la propriété individuelle. Je ne connais pas, il est vrai, de passage appartenant à un écrivain autorisé et où cette formule soit expressément proposée, mais elle se trouve implicitement à la base de plus d’une des discussions auxquelles a donné lieu le socialisme. Par exemple, M. Janet croit, dans son livre sur les Origines du Socialisme (p. 2), que, pour bien établir que la Révolution française n’a eu aucun caractère socialiste, il suffit de faire voir « qu’elle n’a pas violé le principe de la propriété ». Et pourtant on peut dire qu’il n’y a pas une seule doctrine socialiste à laquelle une telle définition s’applique. Considérons, par exemple, celle qui restreint le plus la propriété privée, la doctrine collectiviste de Karl Marx. Elle retire bien aux individus le droit de posséder les instruments de production, mais non toute espèce de richesses. Ils conservent un droit absolu sur les produits de leur travail. Cette atteinte limitée au principe de la propriété individuelle peut-elle du