Page:Revue de métaphysique et de morale - 28.djvu/532

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moins être regardée comme caractéristique du socialisme ? Mais notre organisation économique actuelle présente des restrictions du même genre et ne se distingue à cet égard du Marxisme que par une différence de degrés. Est-ce que tout ce qui est directement ou indirectement monopole de l’État n’est pas retiré du domaine privé ? Chemins de fer, postes, tabacs, fabrication des monnaies, poudres, etc., no peuvent être exploités par des particuliers, ou ne peuvent l’être qu’en vertu d’une concession expresse de l’État. Dira-t-on que, effectivement, le socialisme commence là où commence la pratique des monopoles ? Alors, il faut le mettre partout ; il est de tous les temps et de tous les pays, car il n’y a jamais eu de société sans monopole. C’est dire qu’une telle définition est beaucoup trop étendue. Il y a plus ; bien loin qu’il nie le principe de la propriété individuelle, le socialisme peut, non sans raison, prétendre qu’il en est l’affirmation le plus complète, la plus radicale qui en ait Jamais été faite. En effet, le contraire de la propriété privée, c’est le communisme ; or, il y a encore dans nos institutions actuelles un reste du vieux communisme familial, c’est l’héritage. Le droit des parents à se succéder les uns aux autres dans la propriété de leurs biens n’est que le dernier vestige de l’ancien droit de copropriété que, jadis, tous les membres de la famille avaient collectivement sur l’ensemble de la fortune domestique. Or, un des articles qui revient le plus souvent dans les théories socialistes, c’est l’abolition de l’héritage. Une telle réforme aurait donc pour effet d’affranchir l’institution de la propriété individuelle de tout alliage communiste, par conséquent de la rendre plus vraiment elle-même. En d’autres termes, on peut raisonner ainsi : pour que la propriété puisse être vraiment dite individuelle, il faut qu’elle soit l’œuvre de l’individu et de lui seul. Or, le patrimoine transmis par héritage n’a pas ce caractère : c’est seulement une œuvre collective appropriée par un individu. La propriété individuelle, peut-on dire encore, est celle qui commence avec l’individu pour finir avec lui ; or, celle qu’il reçoit en vertu du droit successoral existait avant lui, et s’est faite sans lui. En reproduisant ce raisonnement, je n’entends pas d’ailleurs défendre la thèse des socialistes, mais montrer qu’il y a du communisme chez leurs adversaires et que ce n’est pas par là, par conséquent, qu’il est possible de les définir.

Nous en dirons autant de celte conception, non moins répandue, d’après laquelle le socialisme consisterait dans une étroite subor-