Page:Revue de métaphysique et de morale - 28.djvu/537

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trateur, du député, du prêtre, etc., sont de la première espèce ; le commerce et l’industrie, c’est-à-dire les fonctions économiques (sous la réserve des monopoles) ressortissent à la seconde. A vrai dire, les dénominations ainsi employées ne sont pas irréprochables ; car, en un sens, toutes les fonctions de la société sont sociales, les fonctions économiques comme les autres. En effet, si elles ne jouent pas normalement, la société tout entière s’en ressent et, inversement, l’état général de la santé sociale affecte le fonctionnement des organes économiques. Cependant cette distinction elle-même, abstraction faite des mots qui l’expriment, ne laisse pas d’être fondée. En effet, les fonctions économiques ont ceci de particulier qu’elles ne sont pas en relations définies et réglées avec l’organe qui est chargé de représenter le corps social dans son ensemble et de le diriger, c’est-à-dire ce qu’on appelle communément l’État. Cette absence de rapports peut se constater aussi bien dans la manière dont la vie industrielle et commerciale agit sur lui que dans la façon dont il agit sur elle. D’une part, ce qui se passe dans les manufactures, dans les fabriques, dans les magasins privés, échappe en principe à sa connaissance. Il n’est pas directement et spécialement informé de ce qui s’y produit. Il peut bien, dans certains cas, en sentir le contre-coup, mais il n’en est pas averti d’une autre manière ni dans d’autres conditions que les autres organes de la société. Il faut pour cela que l’état économique se trouve assez gravement troublé pour que l’état général de la société en soit sensiblement modifié. Dans ce cas, l’État en souffre et, par suite, en prend vaguement conscience, comme les autres parties de l’organisme, mais pas différemment. Autrement dit, il n’y a pas de communication spéciale entre lui et cette sphère de la vie collective. En principe, l’activité économique est en dehors de la conscience sociale ; elle fonctionne silencieusement ; les centres conscients ne la sentent pas tant qu’elle est normale. De même, ils ne l’actionnent pas d’une manière spéciale et régulière. Il n’y a pas un système de canaux déterminés et organisés par lesquels l’influence de l’État se fait sentir sur elle. Autrement dit, il n’y a pas un système de fonctions chargées de lui imposer l’action venue des centres supérieurs. Il en est tout autrement des autres fonctions. Tout ce qui se passe dans les différentes administrations, dans les assemblées délibérantes locales, dans l’enseignement public, dans l’armée, etc., est susceptible de parvenir jusqu’à ce qu’on a appelé le cerveau social,