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LES INSCRIPTIONS DE NAUCRATIS

comme si le caractère même de pareils graffites autorisait une conclusion précise au sujet de leurs relations chronologiques !

Laissons de côté, pour le moment, les objections. Ce qui est, pour nous, d’une bien autre importance, c’est que M. E. Gardner, d’accord avec M. Fl. Petrie, place vers 650 av. J.-C. la colonisation grecque de Naucratis et qu’il considère comme les représentants typiques de l’alphabet ionien primitif les inscriptions avec Σ et Ω qu’il recule jusqu’à cette date.

Ces deux conclusions de M. E. Gardner ont été contestées par M. Kirchhoff dans la quatrième édition des Studien[1] et par moi-même dans un article du Musée Rhénan[2]. L’argument principal opposé à M. E. Gardner était tiré du passage d’Hérodote sur la colonisation grecque de Naucratis[3]. Il faut que je l’affirme de nouveau expressément : pour tout lecteur non prévenu, il s’agit là d’une décision du roi Amasis qui, dans le premier tiers du vie siècle av. J.-C., assigna comme lieu d’habitation aux Grecs la ville de Naucratis qui existait déjà à cette époque. La date indiquée par Hérodote n’est pas contredite par le passage bien connu de Strabon (p. 801), bien que la tradition rapportée par ce dernier — à savoir que les Milésiens auraient fondé Naucratis et lui auraient donné son nom — ne s’accorde pas avec le récit du vieil historien[4]. D’après Hérodote, en effet, des temples de dieux entièrement grecs ne sont admissibles à Naucratis que depuis le règne d’Amasis. Il nous semblait, à M. Kirchhoff et à moi, que les caractères mêmes des inscriptions de Naucratis, le Σ à quatre branches, l’Ω, la fréquence relative de l’Η au lieu de la forme plus ancienne 𐤇, témoignaient en faveur de la tradition rapportée par Hérodote. Quant à d’assez nombreuses particularités que M. E. Gardner avait signalées dans quelques graffites à Naucratis, et qu’il considérait comme caractéristiques des quatre plus anciennes classes d’inscriptions distinguées par lui[5], nous croyions pouvoir les expliquer sans peine par l’inexpérience ou le manque de

  1. Kirchhoff, Studien, 4e éd., p. 44 et suiv.
  2. Hirschfeld, Rheinisches Museum, t. XLII, p. 209 et suiv.
  3. Hérodote, II, p. 178.
  4. J’ai essayé de montrer ailleurs (Rheinisches Museum, t. XLII, p. 213) que le texte de Strabon repose peut-être sur une tradition milésienne.
  5. E. Gardner, Journal of hellenic Studies, t. VII, p. 221.