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REVUE DES ÉTUDES GRECQUES

ralement admise, les inscriptions d’Abou-Simboul avec leur sigma à trois branches et leur Ο = Ω se trouvaient chronologiquement très voisines des inscriptions archaïques de Milet avec Σ et Ω. Comme parmi les auteurs des graffites d’Abou-Simboul on rencontre un citoyen de Téos et un Colophonien, il est certain que l’alphabet de ces inscriptions a été en usage, du moins dans certaines parties de l’Ionie ; la plus ancienne monnaie avec inscription, celle qui porte les mots Φανοῦς ἐιμὶ σῆμα (Phanous eimi sêma), atteste également que le sigma à trois branches était employé en pays ionien. D’autre part, on trouve précisément à Naucratis un graffite d’un Téien, datant probablement du vie siècle, qui présente l’Ω[1], et un autre où paraît se rencontrer le Σ à quatre branches[2]. Donc, pour Téos du moins, l’alphabet d’Abou-Simboul a bien été un stage primitif. Mais cette conclusion est-elle valable pour toute l’étendue de l’Ionie ? Les matériaux dont nous disposons actuellement, nous obligent à répondre négativement ou du moins à laisser la question ouverte.

Dans les plus anciennes inscriptions milésiennes, celles dont le caractère n’est pas moins rude que celui des graffites d’Abou-Simboul[3]), on trouve déjà le Σ et l’Ω, mais ils emploient encore le 𐤇, alors que dans le territoire ionien la forme plus récente, Η, se rencontre déjà au commencement du vie siècle[4]. En présence de ces faits, une seule conclusion est possible : à une époque très ancienne, disons au viie siècle, quelques cités ioniennes employaient le Σ à trois branches et l’Ο = Ω, tandis que d’autres, notamment Milet, se servaient du Σ à quatre branches et de l’Ω.

Si donc les deux signes qui représentent le son S en grec ne sont pas entre eux dans une relation chronologique, quelle relation devra-t-on admettre de l’un à l’autre ? Est-il légitime de les faire dériver l’un de l’autre ou de rapporter leur origine commune au schin phénicien ? Faut-il maintenir le stemma suivant, qui a été admis jusqu’ici :

  1. Naucratis, II, no  779.
  2. Ibid., pl. xx, no  876.
  3. Roehl, Inscriptiones graecae antiquissimae, nos 483, 484 = Imagines, p. 40.
  4. Rheinisches Museum, t. XLII, p. 216.