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études sur les alchimistes grecs

sique hellène dans le chaos des vieilles recettes mystiques. Cette attitude, qui ne se dément pas dans le reste des deux livres, ne concorde guère avec le récit des relations entre Ostanès et lui. Enfin la façon dont il décrit les opérations des teintures n’est nullement celle d’un homme qui aurait juré de ne pas s’expliquer clairement. De fait, si ses indications restent obscures pour nous, la faute en est, d’une part aux corruptions du texte, de l’autre à notre ignorance de la véritable signification de la plupart des mots techniques qu’il emploie, enfin à cette circonstance que nous n’avons pas reçu la tradition orale relative aux détails des manipulations. Un livre a toujours été insuffisant pour apprendre réellement la chimie ; il faut avoir passé par un laboratoire.

Ainsi les livres de l’or et de l’argent correspondent à une conception du rôle de Démocrite qui ne peut guère se concilier avec la légende d’Ostanès. Mais on comprend qu’ils aient mis en goût quelque faussaire, lequel aura mis assez habilement cette légende en œuvre pour produire d’autres livres sous le nom de l’Abdéritain. Il lui a suffi comme concordance de se servir des formules mystiques[1] qui reviennent comme un refrain après chaque recette des livres de l’or et de l’argent.

« La nature est réjouie par la nature ; la nature triomphe de la nature ; la nature domine la nature. »

Si on supposait au contraire que la légende d’Ostanès soit antérieure aux livres de l’or et de l’argent, leur composition resterait inexpliquée.

4. Si nous revenons au début du livre de l’or, nous constatons qu’il y a une lacune évidente entre les deux phrases citées par Synésius, quoiqu’elles se suivent dans nos textes.

Le commentaire nous permet de reconnaître qu’entre le début du livre et le commencement des recettes, la tradition manuscrite a subi une grave mutilation.

D’après Synésius en effet (57, 18 ; 61, 9), Démocrite avait rédigé deux catalogues des substances employées dans les opérations. Un de ces catalogues, pour le livre de l’or, avait été appelé par lui chrysopée ; l’autre pour le livre de l’argent, argyropée. Les indica-

  1. Mystiques, mais nullement mystérieuses, car elles ne renferment aucune allégorie.