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LE LASSO,


ou


LA VENGEANCE CORSE.


(TRADITION DU XVIe SIÈCLE.)




Tonio Guitera, le plus pauvre possidente, le plus déterminé chasseur et le plus brave homme d’armes de la pieve de Guitera, se promenait un matin dans une de ces vieilles forêts de pins, de chênes verts et de hêtres qui couvrent tout l’intérieur de la Corse, et forment un contraste pittoresque avec son littoral nu et dépouillé. Armé de sa longue carabine, trophée enlevé aux Génois, et à peu près le seul objet qu’il possédât au monde, avec le pauvre champ d’orge et la cahutte de pierres sans ciment, qu’il appelait orgueilleusement sa casa, Tonino cheminait tête levée, chantant à pleine gorge une chanson d’amour, et aussi fier, aussi content de lui que si le beau manoir seigneurial de Guitera, qu’il apercevait à ses pieds, lui eût appartenu du chef de son père. Parent au trentième degré du possesseur de ce domaine, dont il portait aussi le nom, suivant le vieil usage de la Corse, où tous les habitans d’un village, aux vendette près, sont de la même fa-