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RUSSIE.

qu’a reçu le commerce européen : la Porte s’arroge le droit de fermer au monde l’entrée de deux détroits qui n’ont pas un mille de large.

La Russie demande l’accomplissement des traités conclus et le libre passage des deux détroits pour les navires de toutes les nations. Ces réclamations sont parfaitement conformes aux lois de la plus sévère justice, puisqu’elles sont beaucoup plus profitables aux autres peuples de l’Europe qu’à la Russie elle-même, dont la marine est encore peu considérable. Son but principal est d’assurer les 18 ou 20,000,000 fr. que l’Europe occidentale retire chaque année du fret dans la mer Noire, et de réunir en même temps les autres avantages qu’a déjà produits la navigation commune de cette mer, à ceux qu’elle promet encore pour l’avenir…

Que tel ou tel état s’empare d’une province, que le Tyrol appartienne à l’Autriche ou à la Bavière, ces divers événemens peuvent intéresser un pays ou un autre ; toutefois l’Europe, en général, n’éprouve pour cela ni pertes ni bénéfices, puisque rien de nouveau n’a été créé, et que la consommation n’a pas augmenté. Mais c’est une question d’une bien autre importance, que de savoir, par exemple, si les vastes déserts de la Sibérie seront peuplés et soumis à une organisation régulière ; si le riche produit de leurs mines pourra être distribué par toute l’Europe ; si le vin, l’huile et les fruits secs de l’Archipel, ainsi qu’une multitude d’objets de luxe sortis des manufactures de la France et de l’Angleterre, trouveront à Irkutzk un marché pour leur consommation ; si l’Ukraine, la Crimée, la Bessarabie et les provinces adjacentes reprendront une vie nouvelle ; si les rapines des Cosaks et des Tartares auront enfin un terme, et si ces steppes sans bornes, où vivent maintenant des hordes vagabondes qui ne reconnaissent ni souverain, ni lois, couvertes un jour de moissons et de troupeaux, récompenseront au centuple les