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VOYAGES.

négrier était un français dont les expéditions se trouvaient en règle ; maintenant que les nègres sont à bord, et qu’il y a de l’argent à gagner en le capturant, c’est un hollandais, et par conséquent il est de bonne prise. Le capitaine a beau exhiber les expéditions françaises, cela n’y fait rien ; l’anglais connaît son affaire, il sait que le navire sera condamné à Sierra-Léone.

Jusqu’ici cette ruse n’est que l’action d’un seul individu ; mais suivons le navire dans le pays des philanthropes. Nous l’avons vu pris dans un moment où les nègres n’avaient pas encore vingt-quatre heures de résidence à bord ; par conséquent ils n’avaient pas encore souffert de la mer, et les provisions étaient abondantes ; une traversée de huit jours les mène à Sierra-Léone. Ici envisageons sérieusement la question : « Que sont ces nègres ? – Des hommes comme vous, ayant des droits aussi incontestables que les vôtres à la liberté. – Pourquoi les amenez-vous à Sierra-Léone ? – Pour les arracher à l’esclavage qu’on leur destinait, pour améliorer leur sort, et pour les civiliser s’il est possible ; en un mot, nous les amenons dans un but philanthropique. – En suivant les lois de l’humanité, que devez-vous faire aussitôt que vous les tenez en sûreté dans votre port ? »

Ici la réponse est facile, le simple bon sens l’indique : il faut débarquer les noirs, peu habitués à la mer, entassés au nombre de trois cents sur une petite goëlette, et leur fournir ensuite des vivres