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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

ont été particulièrement exclues par les vieilles lois de Castille, dont la tendance générale était contraire aux libertés publiques. Il est difficile d’avoir une opinion sur une masse de lois si vastes et puisées à des sources si diverses : cependant ce recueil immense peut fournir des matériaux dont on se servirait utilement pour préparer un nouveau digeste en harmonie avec l’état actuel du pays.

En Espagne, cependant, le mal est résulté plutôt du mode suivi dans l’application des lois que des lois elles-mêmes. L’administration de la justice y a toujours été dilatoire, ruineuse, souvent corrompue et oppressive au plus haut degré. Les formes, quoique compliquées, sont cependant incertaines, les dossiers horriblement volumineux ; la manière de constater les faits sujette aux plus graves abus, parce qu’elle n’offre aucune garantie. Il résulte du grand nombre des tribunaux, de la manie des appels dont les riches s’emparent contre les pauvres, afin d’éluder des condamnations par d’interminables longueurs, qu’en fait la justice est déniée à ceux-ci, et que la chicane et l’opprobre prospèrent dans le temple de Thémis. Toute la procédure d’un procès est faite par un escribano, sorte de greffier qui remplit les fonctions du secrétaire, de l’avoué, du notaire et de l’enregistrement, et qui est le seul intermédiaire entre le client et le juge. En général le escribano est un fripon consommé, capable de toute iniquité, et qui ne pourrait se soustraire à cette nécessité de son état qu’en le quittant ; car la multiplicité et l’incompatibilité de ses fonctions lui offrent mille occasions d’infidélité que l’exemple de ses supérieurs, ses émules en fripponnerie, justifie à ses yeux, et lui donne l’irrésistible tentation de commettre.

Si l’administration de la justice civile est mauvaise, que dire de la justice criminelle ! En Espagne la propriété est peu protégée, mais la vie et la liberté ne le sont pas du tout ; et cet affreux système est porté à un tel excès, que les plus grands et les plus effrontés criminels sont pour le peuple un objet de terreur moindre que les officiers de justice, qu’on