Page:Revue des Deux Mondes - 1831 - tome 4.djvu/542

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
526
LITTÉRATURE CRITIQUE.

deux poètes, nous les trouvons également habiles, composant chacun leur œuvre avec une gradation savante, consommés aux procédés techniques et aux détails précieux. On ne saurait dire tout ce qu’il y a d’ingénieux et de combiné dans la plus tendre simplicité de l’un, dans la plus rapide indignation de l’autre ; quelle part d’étude antique détournée à l’innovation actuelle ; quels sucs nombreux et mélangés dans ces fruits tombés d’hier et de si franche saveur. Mais ce n’est pas un parallèle que nous faisons ; nous n’avons voulu que nous justifier de réunir ici l’un à côté de l’autre deux jeunes poètes si divers au premier abord, jumeaux dans leur apparition, unis d’ailleurs entre eux par une étroite amitié, et en ce moment même compagnons heureux de voyage vers la belle et toujours nouvelle Italie.

Marie, roman, est simplement un recueil d’élégies, parmi lesquelles il s’en trouve huit intitulées Marie, qui, sans se suivre du tout, reviennent par intervalles, et, au milieu des distractions de l’amant et des caprices du poète, renouent le fil de lin flottant de cette première liaison villageoise et printanière. Cet amour fidèle pour la jeune paysanne bas-bretonne Marie est comme le son fondamental que divisent d’autres sons harmoniques, mais qui reparaît d’espace en espace à certains nœuds. Marie, la gentille brune aux dents blanches, aux yeux bleus et clairs, l’habitante du Moustoir, qui tous les dimanches arrivait à l’église du bourg, qui passait des jours entiers au pont Kerlo, avec son amoureux de douze ans, à regarder l’eau qui coule, et les poissons variés, et dans l’air ces nombreux phalènes dont Nodier sait les mystères ; Marie, qui sauvait la vie à l’alerte demoiselle abattue sur sa main ; qui l’hiver suivant avait les fièvres et grandissait si fort, mûrissait si vite, qu’après ces six longs mois elle avait oublié les jeux d’enfant, et les alertes demoiselles, et les poissons du pont Kerlo, et les distractions à l’office pour son amoureux de douze ans, et qu’elle se mariait avec quelque honnête métayer de l’endroit ; cette Marie que le sensible poète n’a jamais oubliée depuis ; qu’il a