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MARIE. — IAMBES.
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revue deux ou trois fois au plus peut-être ; à qui, en dernier lieu, il a acheté à la foire du bourg une bague de cuivre qu’elle porte sans mystère aux yeux de l’époux sans soupçons ; dont l’image, comme une bénédiction secrète, l’a suivi au sein de Paris et du monde ; dont le souvenir et la célébration silencieuse l’ont rafraîchi dans l’amertume ; dont il demandait naguère au conscrit Daniel, dans une élégie qui fait pleurer, une parole, un reflet, un débris, quelque chose qu’elle eût dit ou qu’elle eût touché, une feuille de sa porte, fût-elle sèche déjà ; cette Marie belle encore, l’honneur modeste de la vallée inconnue qu’arrosent l’Élé et le Laita, ne lira jamais ce livre qu’elle a dicté, et ne saura même jamais qu’il existe, car elle ne connaît que la langue du pays, et d’ailleurs elle ne le croirait pas. Voilà le roman, l’idée dominante de ce charmant petit livre, et tout ce qui s’y ajoute d’étranger, se compose à merveille à l’entour. Ce sont d’autres souvenirs du pays et de la famille, des noces singulières, des retours de vacances, des adieux et de tendres envois d’un fils à sa mère, de calmes et rians intérieurs de félicité domestique ; ce sont par endroits des confidences obscures et enflammées d’un autre amour que celui de Marie, d’un amour moins innocent, moins indéterminé, et qui peut se montrer sans rivalité dans les intervalles du premier rêve, car il n’est pas du tout de même nature ; ce sont enfin les goûts de l’artiste, les choses et les hommes de sa prédilection, le statuaire grec et M. Ingres sectateur de l’antique beauté, des vers à la mémoire de ce George Farcy que sa mort a révélé à la France, et qui eût aimé ce livre s’il avait vécu, et qui, en le lisant, eût envié de le faire ; partout une nature élégante et gracieuse à laquelle le cœur se confie ; partout de bienveillantes images et un pur désir du beau ; le doux Virgile en robe traînante et les cheveux négligés, s’appuyant sur le bras de Mécènes au seuil du palais d’Octave ; un doute tolérant et chaste ; la liberté clémente ; Jésus homme ou Dieu, dit le poète, mais qui possède à jamais l’univers moral, et qui, s’il doit mourir.