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REVUE. — CHRONIQUE.

sionné une inondation des terrains bas de la côte, voisine de la ville, où la mer avait laissé, en se retirant, un quantité considérable de matières fangeuses et d’animalcules. Ces dépôts, exposés aux rayons d’un soleil brûlant, poussèrent des exhalaisons qui corrompirent l’air, et étaient tellement infectés que des officiers qui avaient voulu visiter cette partie du rivage furent obligés de retourner sur leurs pas, et de regagner le vaisseau. J’ajouterai que les nuits étaient, en cette saison, extrêmement humides et froides.

L’épidémie, à ce qu’il paraît, avait exercé beaucoup plus de ravages dans les faubourgs que dans l’intérieur de la ville.

Le premier cas de choléra se manifesta à bord du Congrès le 2 décembre. Un matelot, nomme Dunn, âgé de cinquante ans, et qui n’avait point été à terre, mais qui souffrait depuis long-temps de la dysenterie, devint tout-à-coup plus malade, éprouva des vomissemens et des spasmes dans les muscles des doigts de pied, qui gagnèrent graduellement les grands muscles des extrémités inférieures, et s’étendirent enfin à tout le corps. Son pouls faiblit promptement et en peu d’heures les spasmes et les vomissemens cessèrent. Son épuisement était extrême ; il expira en peu de temps.

Le lendemain 3, nous eûmes un autre accident. Un marin, homme vigoureux et sain, ressentit une douleur brûlante à l’épigastre, une soif dévorante, et de demi-heure en demi-heure, il avait des vomissemens et des déjections. Son estomac rejeta une assez grande quantité de ce fluide clair si souvent décrit. Le tout était accompagné de violentes contractions des muscles des pieds, des jambes et des cuisses, qui s’étendirent bientôt à d’autres parties du corps. Le malade n’éprouva que quelques intervalles fort courts de répit pendant les six heures que le mal fut le plus intense. Il fut alors délivré de ses douleurs, mais il était d’une faiblesse extrême, comme un homme au dernier période du typhus, et ne survécut que peu d’heures.

Le 4, nous en eûmes un autre. — Dans la soirée, nous levâmes l’ancre et nous remontâmes jusqu’à l’entrée du port.

Le 5, de grand matin, nous remîmes à la voile et nous gagnâmes la haute mer. Dans cette journée, il se manifesta six cas, présentant tous les caractères de la plus intense malignité. Trois d’entre eux ne vécurent que quelques heures, deux succombèrent le lendemain. Ayant fait l’autopsie des cadavres, nous trouvâmes, dans les intestins supérieurs, un liquide aqueux très pâle et une substance, ayant une légère teinte de crème, de la consistance du coagulum. Il n’y avait point de bile dans le duodénum, où l’on remarquait, ainsi que dans les parties contiguës, une inflammation considérable : l’on voyait aussi un grand nombre de petits vaisseaux rouges, qui paraissaient légèrement injectés. La vésicule du fiel, chez un de ces morts, était remplie d’un fluide semblable à de la mélasse. Le foie et le système nerveux étaient surchargés de sang peu épais et très noir, mais nullement coagulé. Les soins que nous étions obligés de donner aux malades ne nous laissèrent point le loisir de faire toutes les observations que nous aurions désiré. Plusieurs individus atteints d’autres maladies, et soumis à un traitement mercuriel, ne furent point attaqués du choléra.