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EXCURSION AU BLOCKSBERG.

tinuai à monter et à descendre des montagnes, ayant toujours devant moi le soleil qui éclairait sans cesse de nouvelles beautés. L’esprit de la montagne me favorisait évidemment ; il savait sans doute qu’un voyageur poète peut, au besoin, raconter de belles choses, et il me fit voir son Harz dans cette matinée comme certainement personne ne l’a vu. Mais le Harz me vit aussi comme il a vu peu de gens, les yeux brillans d’enthousiasme, les joues animées par la pensée de me trouver dans ces gorges si célèbres ! Je m’avançais à travers les pins agités par le vent, et il me semblait entendre des voix mystérieuses s’échapper de leurs cimes, et j’écoutais avec ravissement la clochette des troupeaux qui a, dans l’air pur du Harz, un retentissement vif et mélodieux.

D’après la position du soleil, il pouvait être midi lorsque je rencontrai un de ces troupeaux. Le berger, jeune homme amical, à la chevelure blonde, me dit que cette haute montagne au pied de laquelle je me trouvais, était le vieux Brocken, célèbre par tout le monde. Il ne se trouve pas d’habitations à plusieurs heures de distance, et je fus heureux que le jeune berger voulût bien m’inviter à manger avec lui. Nous nous assîmes pour prendre un déjeuner dinatoire, qui consistait en pain et en fromage ; puis, après avoir pris amicalement congé de lui, je me remis à grimper joyeusement la montagne. Bientôt j’arrivai à une forêt de pins aussi haute que le ciel, et qui m’inspira un respect véritable. Ces arbres ont dû avoir beaucoup de peine à pousser, et leur jeunesse a sans doute été fort difficile car la montagne est parsemée d’immenses blocs de granit, et presque tous les arbres sont forcés d’étendre leurs racines sous ces pierres et de chercher avec effort un sol qui les nourrisse. Çà et là les blocs sont amoncelés les uns sur les autres, et forment une espèce de porte sur laquelle poussent de grands arbres dont les racines nues s’étendent, comme des membres décharnés, sur ces monumens bruts. Les arbres semblent pousser au milieu des airs et cependant à cette hauteur prodigieuse, enclavés au milieu des pierres et comme poussés avec elles, ils ont plus de solidité que ceux qui grandissent dans le sol mou du plat pays. Sur les branches de ces pins aériens, on voit se balancer une multitude de