Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 6.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
80
REVUE DES DEUX MONDES.

Bacchus rassurant,
Jupiter tremblant,
Décida la victoire ;
Tous les dieux à jeun
Tremblaient en commun,
Lui seul avait su boire.


C’était joli ! Et un éloge de Gresset où il y avait cette belle phrase que je me rappelle encore tout entière :

— Oh ! lisez le Vert-vert, vous qui aspirez au mérite de badiner et d’écrire avec grâce ; lisez-le, vous qui ne cherchez que l’amusement, et vous connaîtrez de nouvelles sources de plaisirs. Oui, tant que la langue française subsistera, le Vert-vert trouvera des admirateurs. Grâce au pouvoir du génie ; les aventures d’un perroquet occuperont encore nos derniers neveux. Une foule de héros est restée plongée dans un éternel oubli, parce qu’elle n’a point trouvé une plume digne de célébrer ses exploits ; mais toi, heureux Vert-vert, ta gloire passera à la postérité la plus reculée. Ô Gresset, tu fus le plus grand des poètes ! — Répandons des fleurs, etc, etc, etc.

C’était fort agréable.

J’ai encore cela chez moi, imprimé sous le nom de M. de Robespierre, avocat en parlement.

L’homme n’était pas commode à persifler. Il fit de sa face de chat une face de tigre, et crispa les ongles.

Saint-Just ennuyé, et voulant l’interrompre, lui prit le bras. — À quelle heure t’attend-on aux Jacobins ?

— Plus tard, dit Robespierre avec humeur, laisse-moi, je m’amuse.

Le rire dont il accompagna ce mot fit claquer ses dents :

— J’attends quelqu’un, ajouta-t-il. — Mais toi, Saint-Just, que fais-tu des poètes ?

— Je te l’ai lu, dit Saint-Just, ils ont un dixième chapitre de mes institutions.

— Eh bien ! qu’y font-ils ?

Saint-Just fit une moue de mépris, et regarda autour de lui à ses pieds, comme s’il eût cherché une épingle perdue sur le tapis.