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litude, solitude quand il raconte à son maître les tendresses qui le fuient, les amitiés qui s’agenouillent au lieu d’ouvrir les bras, je ne sais pas une âme sérieuse, à qui le spectacle ou la conscience d’une pareille et si poignante misère n’arrache des larmes. — Les formes et les coupes des versets hébraïques, naturalisées dans le mètre français, sont d’un bel emploi, comme dans Athalie et les Oraisons funèbres.

Dolorida est une création pathétique, un récit espagnol d’une composition simple et rapide ; les premiers vers sont d’une exquise et amoureuse coquetterie. Quand l’époux infidèle se jette aux pieds de sa femme jalouse, et confesse son crime ; quand son juge et son bourreau répond à ses angoisses et à ses humiliations par cette question terrible :

T’a-t-elle vu pâlir ce soir dans tes souffrances ?
et qu’elle se punit elle-même de sa vengeance, en prononçant ces funèbres paroles :
Le reste du poison qu’hier je t’ai versé,
on demeure muet et consterné, comme devant un chêne frappé de la foudre.

Cependant, malgré l’intérêt puissant de Dolorida, j’ai souvent regretté l’emploi trop fréquent de la périphrase poétique. J’y voudrais plus de naïveté, plus de franchise dans l’expression. Je pardonne l’élégance laborieuse et parée dans le développement d’un sentiment personnel, ou dans une action étendue où le poète peut intervenir pour son compte ; mais quand on resserre toute une tragédie dans deux cents vers, on ne saurait aller trop vite au but, et alors il convient peut-être d’employer le mot propre et d’appeler les choses par leur nom. Au reste, ce défaut, que je blâme en toute sincérité, est, pour la plupart des lecteurs, une qualité précieuse. Mais je garde mon avis.

Madame de Soubise me plaît moins que le reste du recueil. Il me semble que l’intérêt s’éparpille et s’égare dans les ambages et les puérilités de l’exécution. On dirait un pastiche de vieilles ballades écrites sur vélin et enluminées d’or et de carmin. C’est de la