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LITTÉRATURE DANOISE.

lui disputer l’honneur et les profits de cet enseignement, il s’établit entre eux une lutte dont Holberg conte ainsi le résultat : « On assigna le jour et l’heure ; nous comparûmes tous deux et combattîmes en présence de nos écoliers respectifs ; mais nous nous séparâmes avec un égal succès. Je lui portai en français-norwégien des bottes qu’il para en français-hollandais, et je ne crois pas que la langue française ait jamais été aussi maltraitée que dans ce combat. » Bientôt son humeur errante le reprit, et le voilà parti pour l’Angleterre, à-peu-près aussi bien en fonds que la première fois. Après être resté quelques mois à Oxford, toujours curieux, toujours occupé, la nécessité le ramena en Danemark, où il essaya de tirer parti, pour son existence, de l’instruction acquise dans ses voyages. Il fit pompeusement annoncer un cours dans lequel il devait en communiquer les fruits. On y accourut en foule. « Mais, dit-il, quand je voulus me faire payer, mes auditeurs avaient trouvé le secret de se rendre invisibles, et le seul profit que j’en tirai fut que ceux qui avaient suivi mon cours me saluaient plus profondément lorsqu’ils me rencontraient. » Enfin il trouva un poste qui lui convenait d’autant mieux, qu’il lui offrait une occasion de voyager. Il partit pour l’Allemagne avec un jeune homme qu’il était chargé d’y accompagner. On trouve plus le futur poète comique que le futur professeur dans ce qu’il dit de son assiduité aux cours de l’université de Leipsik. « Nous y assistions régulièrement, dit-il, moins pour y apprendre quelque chose que pour nous y amuser des professeurs et de leur débit. »

Ce fut à son retour en Danemark, après ce troisième voyage, qu’il débuta dans la carrière littéraire par quelques travaux historiques sans importance. Il fut attaché à l’Université, et profita d’une commission qu’elle lui donna d’examiner les hautes écoles luthériennes de Hollande, pour entamer une nouvelle excursion qui de proche en proche le conduisit à Paris et à Rome.

À Paris, il eut l’humiliation grande, pour un maître de langue française, de s’entendre dire par une fille d’auberge, qu’il parlait le français comme un cheval allemand. Ce ne fut pas le seul inconvénient que lui attira sa prononciation danoise.