Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/170

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
264
REVUE DES DEUX MONDES.

et largement historiques qu’ils devaient être d’abord, devinrent de plus en plus romanesques et fabuleux.

Ce n’est que par une sorte d’accident heureux pour l’histoire de l’épopée carlovingienne, et plus strictement de l’épopée provençale, que l’on a des notions positives sur l’existence de ces chants. C’est un moine du monastère de Saint-Guillaume qui en a parlé en termes formels, bien qu’un peu paraphrasés, dans une vie latine de Guillaume-le-Pieux.

« Quelle est, dit l’agiographe, quelle est la danse de jeunes gens, l’assemblée de gens du peuple, ou d’hommes de guerre et de nobles, quelle est la vigile de sainte fête où l’on n’entende pas chanter doucement et en paroles modulées quel et combien grand fut Guillaume ? avec quelle gloire il servit l’empereur Charles ? quelles victoires il remporta sur les infidèles, tout ce qu’il en souffrit, tout ce qu’il leur rendit ? »

Il était difficile de mieux attester la popularité des chants épiques auxquels les exploits de Guillaume donnèrent lieu dans les contrées qui en furent le théâtre. Quant à la date de ce témoignage, date qui implique celle des chants auxquels il se rapporte, c’est une question plus douteuse. Une seule chose est certaine, c’est que la biographie dont ce passage fait partie, est antérieure au xie siècle : elle est donc au moins du xe : c’est donc aussi l’âge des chants dont elle fait mention.

On s’aperçoit bien vite, en parcourant cette biographie, que son auteur en avait emprunté plusieurs traits de ces mêmes chants populaires dont il signale l’existence. Ainsi, par exemple, il suppose tout le midi de la Gaule, la Provence et la Septimanie occupées par les Arabes, sous le commandement d’un émir, assez étrangement nommé Thibaut. Il fait résider ce chef à Orange ; il fait assiéger et prendre cette ville par Guillaume. Tous ces faits, inconnus aux historiens, sont longuement développés dans le roman de Guillaume-au-court-Nez. Ils en font la base.

Or, les chants épiques, ces chants du xe siècle, dont ces faits avaient été tirés, étaient indubitablement d’origine méridionale : leur sujet, leur objet le disent assez, et le moine de St.-Guillem l’atteste. On ne peut donc guère douter que du moins les données