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SCÈNES HISTORIQUES.

séparait. À quatre pas l’un de l’autre, ils levèrent la visière de leurs casques, et chacun reconnut dans l’un de ces deux hommes le dauphin Charles, duc de Touraine, et dans l’autre, Jean-Sans-Peur, duc de Bourgogne.

Dès que le duc Jean vit que celui qui s’avançait à sa rencontre était bien le fils de son souverain et seigneur, il s’inclina plusieurs fois et mit un genou en terre. Le jeune Charles le prit aussitôt par la main, l’embrassa sur les deux joues et voulut le faire relever ; mais le duc s’y refusa : « Monseigneur, lui dit-il, je sais bien comment je dois vous parler. »

Enfin, le Dauphin le força de se lever : « Beau cousin, lui dit-il, en lui présentant un parchemin revêtu de sa signature et scellé de son sceau, si au traité que voici, fait entre nous et vous, il est quelque chose qui ne soit pas à votre plaisir, nous voulons que vous le corrigiez, et dorénavant voulons et voudrons ce que vous voulez et voudrez, »

C’est moi qui me conformerai à vos ordres, Monseigneur, répondit le duc, car il est dans mon devoir et dans ma volonté de vous obéir désormais en tout ce que vous désirerez.

Après ces paroles, chacun d’eux étendit la main sur la croix de son épée, à défaut d’Évangile ou de saintes reliques, jurant de maintenir la paix d’une manière durable. Aussitôt tous ceux qui les avaient accompagnés les rejoignirent joyeux, criant Noël, et maudissant d’avance celui qui, désormais, reprendrait les armes pour une aussi fatale querelle.

Alors le Dauphin et le duc échangèrent leurs épées et leurs chevaux en signe de fraternité ; et, lorsque le Dauphin se mit en selle, le duc lui tint l’étrier, quoique celui-ci le suppliât de n’en rien faire ; ensuite ils chevauchèrent quelque temps à côté l’un de l’autre, devisant amicalement, Français et Bourguignons mêlés à leur suite. Puis, après s’être embrassés une seconde fois, ils se séparèrent, le Dauphin pour retourner à Melun, et le duc de Bourgogne à Corbeil. Dauphinois et Bourguignons suivirent chacun leur maître.

Deux hommes restèrent les derniers.