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REVUE DES DEUX MONDES.

— Tanneguy, dit l’un d’eux d’une voix sourde, j’ai tenu ma promesse ; as-tu tenu la tienne ?

— Était-ce possible, messire de Gyac, répondit Tanneguy, couvert de fer et accompagné comme il l’était ? Mais, soyez tranquille, avant la fin de l’année, nous trouverons plus beau jeu et meilleure occasion.

— Satan le veuille ! dit Gyac.

— Dieu me le pardonne ! dit Tanneguy.

Et tous deux piquèrent leurs chevaux, se tournant le dos, l’un pour rejoindre le duc, et l’autre le Dauphin.

Le soir de ce jour, un grand orage éclata à l’endroit même où avait eu lieu la conférence, et le tonnerre brisa l’arbre de la chaussée, sous lequel la paix avait été jurée. Beaucoup regardèrent cela comme un mauvais présage, et quelques-uns dirent tout haut que cette paix ne serait pas plus durable qu’elle n’était sincère[1].

Cependant quelques jours après le Dauphin et le duc publièrent leurs lettres de ratifications du traité[2].

Les Parisiens en avaient reçu la nouvelle avec une grande joie : ils avaient pensé que le duc ou le Dauphin allait revenir à Paris pour les défendre ; leur attente fut trompée. La reine et le roi avaient quitté Pontoise, laissant dans cette ville, trop voisine des Anglais pour qu’ils y demeurassent avec sécurité, le sire de l’Iladam à la tête d’une nombreuse garnison. Le duc les rejoignit à Saint-Denis où ils s’étaient retirés, et les Parisiens, ne voyant faire aucune assemblée pour marcher contre les Anglais, retombèrent dans le découragement.

Quant au duc, il s’était de nouveau abandonné à cette apathie inconcevable dont quelques exemples se retrouvent dans la vie des hommes les plus braves et les plus actifs, et qui, pour presque tous, a été un signe augural que leur heure suprême allait bientôt sonner.

Le Dauphin lui écrivait lettre sur lettre pour l’engager à bien défendre Paris, tandis que lui ferait une diversion sur les fron-

  1. Journal de Paris.
  2. Enguerrand de Monstrelet, Juvénal, Histoire de Bourgogne.