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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

tiendraient retranchés derrière cet esprit sain et modéré, se feraient un rempart de ses doctrines conciliatrices, et peut-être parviendraient-ils, plus qu’on ne l’a fait, à flétrir sa vieillesse. L’orateur aux idées claires par excellence verrait la confusion s’étendre plus que jamais sur tous les principes de gouvernement, faussés par les hommes qui semblaient appelés à mettre l’ordre dans les esprits et dans les consciences, et à tracer enfin une voie lumineuse à travers le chaos que nous ont formé trente ans de troubles, de démolitions et de guerres ; aspect d’autant plus affligeant pour lui, qu’il démêlerait trop bien les motifs et les fins de ces doctrines nébuleuses et de ces demi-vérités jetées cauteleusement au milieu de la foule aveugle. Je le répète, Benjamin Constant connaissait trop les hommes pour n’avoir pas su d’avance qu’il en serait ainsi ; il avait vu trop souvent et de trop près ceux qui dirigent aujourd’hui les affaires de ce pays, pour n’avoir pas déroulé jusqu’au moindre repli de leur cœur ; et il a dû mourir sans regret, mais non sans désespoir, en songeant en quelles mains il laissait les destinées de la France, qui sont les destinées du monde entier.


(West-End-Review)