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l’ouest), où nous restâmes deux heures. On ne peut plus guère en cet endroit jouir d’un effet assez singulier produit par le Mississipi, et particulièrement remarquable à la Nouvelle-Orléans : c’est que dans cette ville, lorsqu’on est sur le fleuve qui est plus élevé que les terres, et retenu seulement par de faibles digues, les maisons et les arbres qui le bordent paraissent à moitié plongés dans l’eau.

Après avoir laissé sur notre gauche l’immense Rivière Rouge, qui se jette dans le Mississipi, nous arrivâmes à Natchez, jolie ville de deux mille habitans, située sur une hauteur. Le fleuve a dans cet endroit dix-huit cent soixante-dix pieds de large, et on a trouvé que neuf milles au-dessous du confluent de la Fourche, il avait, dans sa partie la plus élevée, une profondeur de cent cinquante-trois pieds ; la différence entre les eaux les plus basses et les plus hautes étant de vingt-trois pieds, il s’ensuit qu’il a toujours une profondeur de cent trente.

Je n’ai vu nulle part de plus beaux bois que sur les bords du Mississipi. Ce sont tantôt de magnifiques arbres de haute futaie chargés de lierre, de lianes et de vigne sauvage ; tantôt de hautes charmilles d’acacias qu’on dirait taillées et alignées par la main de l’homme. Les peupliers de la Caroline, les magnolias et les platanes surtout y sont d’une dimension extraordinaire, et semblent là depuis la création ; mais le fleuve en aura raison tôt ou tard.

Nous nous arrêtions ordinairement une fois par jour pour faire notre provision de bois, car on en trouve de tout préparé et disposé en chantier de distance en distance, sur toute la longueur du fleuve, jusqu’aux chutes de Saint-Antoine. À chacun de ces relais, nous descendions à terre pour nous promener dans la forêt, mais les moustiques nous forçaient bientôt de chercher un abri à bord.

Les snags, les sawyers, les îles de bois rendent la navigation du Mississipi fort dangereuse en remontant le fleuve.

Les snags sont des arbres déracinés par l’action des eaux et entraînés dans le fleuve où ils s’enfoncent dans la vase en ne laissant voir que leur tête menaçante et inclinée suivant le courant. Les plus redoutables sont ceux qui sont cachés à un ou deux pieds au-dessous de l’eau. Comme ce sont quelquefois des troncs de cinq et six pieds de diamètre, on conçoit qu’un bâtiment lancé avec force,