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REVUE DES DEUX MONDES.

avez inspiré l’amour ! Sous vos fenêtres entr’ouvertes a murmuré le son de la guitare ; sur ces places bruyantes, dans le tourbillon de ces fêtes, vous avez promené une insouciante et superbe jeunesse ; vous n’avez point aimé ; un parent de mon père est mort d’amour pour vous.

HERMIA.

Quel souvenir me rappelles-tu ?

CŒLIO.

Ah ! si votre cœur peut en supporter la tristesse, si ce n’est pas vous demander des larmes, racontez-moi cette aventure, ma mère, faites-m’en connaître les détails.

HERMIA.

Votre père ne m’avait jamais vue alors. Il se chargea, comme allié de ma famille, de faire agréer la demande du jeune Orsini, qui voulait m’épouser. Il fut reçu comme le méritait son rang, par votre grand-père, et admis dans notre intimité. Orsini était un excellent parti, et cependant je le refusai. Votre père, en plaidant pour lui, avait tué dans mon cœur le peu d’amour qu’il m’avait inspiré pendant deux mois d’assiduités constantes. Je n’avais pas soupçonné la force de sa passion pour moi. Lorsqu’on lui apporta ma réponse, il tomba, privé de connaissance, dans les bras de votre père. Cependant une longue absence, un voyage qu’il entreprit alors, et dans lequel il augmenta sa fortune, devaient avoir dissipé ses chagrins. Votre père changea de rôle, et demanda pour lui ce qu’il n’avait pu obtenir pour Orsini. Je l’aimais d’un amour sincère, et l’estime qu’il avait inspirée à mes parens ne me permit pas d’hésiter. Le mariage fut décidé le jour même, et l’église s’ouvrit pour nous quelques semaines après. Orsini revint à cette époque. Il fut trouver votre père, l’accabla de reproches, l’accusa d’avoir trahi sa confiance, et d’avoir causé le refus qu’il avait essuyé. Du reste, ajouta-t-il, si vous avez désiré ma perte, vous serez satisfait. Épouvanté de ces paroles, votre père vint trouver le mien, et lui demander son témoignage pour désabuser Orsini. — Hélas ! il n’était plus temps ; on trouva dans sa chambre le pauvre jeune homme traversé de part en part de plusieurs coups d’épée.