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QUITTE POUR LA PEUR.

Scène XII.


UN LAQUAIS, LE DUC, LA DUCHESSE.
UN LAQUAIS, ouvrant les deux battans de la porte.

Monsieur le duc.

(La duchesse se lève, fait une grande révérence et s’assied toute droite, sans oser parler.)
LE DUC.
(Il la salue, puis il va droit à la cheminée, et gardant son épée au côté et son chapeau sous le bras, se chauffe tranquillement les pieds. Après un long silence, il la salue froidement.)

Eh bien ! madame, comment vous trouvez-vous ?

LA DUCHESSE.

Mais, monsieur, un peu surprise de vous voir, et confuse de n’avoir pas eu le temps de m’habiller pour vous.

LE DUC.

Oh ! n’importe, n’importe, je ne tiens pas au cérémonial. D’ailleurs on peut paraître en négligé devant son mari.

LA DUCHESSE (à part).

Son mari ! hélas ! — (Haut.) Oui, certainement… son mari… Mais ce nom-là… je vous avoue…

LE DUC (ironiquement).

Oui, oui… J’entends, vous n’y êtes pas plus habituée qu’à ma personne. (Souriant.) C’est ma faute, (tendrement) c’est ma très grande faute, ou plutôt c’est la faute de tout le monde. — (Sérieusement.) Qui peut dire en ce monde, et dans le monde surtout, qu’il n’ajoute pas par sa conduite aux fautes des autres ? Dites-le-moi, madame ?

LA DUCHESSE.

Ah ! je crois bien que vous avez raison, monsieur, vous savez le monde mieux que moi !

LE DUC (avec feu).

Mieux que vous ! mieux que vous, madame ! cela n’est parbleu pas facile. Je n’entends parler à Versailles que de votre grâce dans