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LES LOIS ET LES MŒURS.

Orchia et la loi Fannia[1], qui fixaient le nombre des convives dans les festins.

Alors on commence à faire des lois contre les brigues[2], lois qu’il fallut depuis souvent renouveler, et toujours inutilement ; contre la vénalité des orateurs[3], contre la captation des testamens, surtout par les femmes[4]. Enfin, des crimes nouveaux paraissent, pour la première fois, dans les lois, comme dans les mœurs ; telle est la violence faite à la pudeur des personnes libres[5].

Durant les cent cinquante dernières années de la république, au milieu de ses plus grands triomphes, la décadence des mœurs fait des progrès rapides, et tout s’achemine vers une ruine complète des institutions. La corruption donne naissance à d’horribles déchiremens ; la mollesse enfante la cruauté. En parcourant les lois de cette époque, on assiste à la dissolution des mœurs et de l’état.

Lorsque la moralité d’un peuple se déprave, il se relâche de sa sévérité pour le mal. Ainsi, quand je vois supprimer à Rome la peine des calomniateurs, je pense que tout est perdu, puisqu’on amnistie la calomnie[6].

Je lis l’affaiblissement du courage civil, dans la loi qui met le vote secret à la place du vote public[7] ; l’amollissement des mœurs militaires, dans celle qui fait ajouter des vêtemens à la paie[8] que recevait déjà le soldat romain. La paie et les dons militaires changèrent entièrement l’esprit des troupes romaines et tuèrent leur patriotisme. Le service, qui d’abord se confondait avec la défense du pays et de la famille, devint un métier. En outre, les soldats propriétaires qui composaient les armées dans les premiers temps, n’appartenaient qu’à la république ; les soldats stipendiés étaient à la disposition des généraux, qui pouvaient augmenter la paie ou les gratifications.

On a beaucoup déclamé contre les lois agraires ; on a donné leur nom au système insensé qui voudrait établir violemment l’égalité absolue de la propriété. Il est cependant bien certain que les Gracches ne demandèrent jamais rien de pareil. Ils réclamaient seulement pour les plébiens

  1. 593.
  2. De Ambitu, 575.
  3. 539. L. Cincia.
  4. L. Voconia 585.
  5. L. Scatinia 526 de stupro ingenuis illato.
  6. 614. Lex Memnia ou Remnia de non inurenda fronti calumniatoris littera K.
  7. L. Gabinia. Lata ab homine ignoto et sordido. Ciceron, leg. iii. 16.
  8. Lex Viaria. 628.